Foxcatcher
États-Unis, 2014
De Bennett Miller
Avec : Steve Carell
Durée : 2h14
Sortie : 21/01/2015
L'histoire vraie de John du Pont, un riche philanthrope et grand amateur de sport qui fit bâtir, sur son domaine de Pennsylvanie, un centre d'entraînement consacré à la lutte olympique et baptisé Team Foxcatcher. Mais sa vie bascula en 1996 quand il tua le champion olympique David Schultz. John du Pont plaida la schizophrénie paranoïaque, mais fut condamné à purger trente ans de prison.
CHASSE A COURRE
Sous ses apparences plus classique tu meurs, Foxcatcher, sans pour autant être un film d'avant-garde totalement déroutant, parvient à surprendre. Nouveau long métrage d'un petit chéri des Oscars (11 citations en tout pour ses deux premiers films, Truman Capote et Le Stratège), Foxcatcher sera peut-être réduit de manière un peu légère à une machine à Oscars de plus. Ce qu'il n'est pas - en tout cas pas totalement. La première chose qui frappe dans Foxcatcher est son silence. Est-ce une qualité que de ne pas avoir le défaut de 36 autres films ? Foxcatcher évite en tout cas le piège de ces productions américaines qui ont une peur panique du silence et qui recouvrent celui-ci d'une soupe musicale ininterrompue. On se serait bien passé des pianotages de Mychael Danna qui s'invitent ici ou là, car le silence de Foxcatcher, s'il risque de surprendre les spectateurs habitués à être tenus par la main, glace. Ce n'est pas qu'une décision arbitraire. Bennett Miller s'immisce dans la demeure d'un homme richissime (incarné par Steve Carell), dernier rejeton d'une dynastie synonyme de richesse et de pouvoir. Une demeure qui ressemble à un caveau familial, où les fleurs de tombe seraient remplacées par des coupes dorées obtenues à des concours d'équitation. Il y règne un silence de morts.
"Je veux vous parler de l'Amérique", entend-on de la bouche du héros, Mark Schultz, dont on va suivre le rise & fall. Cela ressemble à une note d'intention un peu trop visible en début de film, mais Foxcatcher est bel et bien un conte américain. Celui d'un rêve bigger than life qui se brise en mille morceaux, celui d'une époque, l'Amérique de Reagan, où morale et valeurs auraient disparu, et celui, en pointillé, d'une grande famille décadente devenue monstrueuse. "Ce qui importe vraiment, c'est le patriotisme", affirme John du Pont (Carell), ornithologiste, philantrope, philatéliste, apprenti-catcheur et plus encore. Ce qui importe vraiment selon Bennett Miller, c'est le vampirisme de cet homme-monstre, l'ombre de ce pervers narcissique qui pense pouvoir acheter des vies comme il se paye des honneurs. Il y a quelque chose de lugubre dans cette peinture (plan par ailleurs superbe d'une toile dont le visage semble être celui d'un fantôme dans le noir), où la lutte en singlet moulant est évidemment un MacGuffin.
Dommage pourtant que le film n'évite pas certaines figures imposées. Encore un peu trop préoccupé par le "based on a true story, Foxcatcher aurait pu se passer des maquillages de Carell qui semble surtout jouer un grand brûlé après une opération de chirurgie esthétique qui l'aurait laissé paralysé. Y-a t-il besoin de ça pour incarner ? Miller évite au moins la vulgarité débiloïde très à la mode dans nombre de ces films inspirés de faits réels: pas de photo de famille des "véritables" personnages au générique. Foxcatcher est sobre, son découpage est posé et, comme on l'a dit plus tôt, les violons ne sont pas de sortie. Risque collatéral: une certaine torpeur règne d'un bout à l'autre, mais celle-ci a aussi quelque chose de venimeux. Lisse en apparence, Foxcatcher atteint de temps à autres une noirceur insoupçonnée.