Flight
États-Unis, 2012
De Robert Zemeckis
Scénario : John Gatins
Avec : Denzel Washington
Photo : Don Burgess
Musique : Alan Silvestri
Durée : 2h18
Sortie : 13/02/2013
Whip Whitaker, pilote de ligne chevronné, réussit miraculeusement à faire atterrir son avion en catastrophe après un accident en plein ciel… L’enquête qui suit fait naître de nombreuses interrogations… Que s’est-il réellement passé à bord du vol 227 ? Salué comme un héros après le crash, Whip va soudain voir sa vie entière être exposée en pleine lumière.
ENVOLE-MOI
Il y a quelque chose d'admirable dans la démarche de Robert Zemeckis à réaliser un film à 31 millions de dollars qui n'a rien de high concept, qui ose les 2h20 et l'interdiction aux moins de 17 ans (aux États-Unis), en prenant un des acteurs avec le plus gros quota sympathie pour lui faire jouer un déchet. A ce titre, le cinéaste reste un excellent narrateur, prenant son temps pour mieux s'intéresser à l'humain, faisant passer le film comme une lettre à la poste, mais les craintes que l'on pouvait avoir depuis l'annonce du projet se confirment toutes. Tout d'abord, il y a ce choix étonnant de la part de Zemeckis de revenir au film live avec une histoire aussi peu intrigante, mais lorsque l'on apprend que l'auteur lui-même a souffert d'addiction et est sobre depuis plusieurs années, le choix s'explique. Flight n'est certainement pas le film le plus intéressant de son auteur mais peut-être un de ses plus personnels étant donné qu'il traite directement le sujet. Le souci, c'est qu'il ne l'aborde pas d'une manière très originale. Whip Whitaker, le protagoniste incarné - à merveille, comme d'habitude - par Denzel Washington, est assez typiquement zemeckisien : un homme coincé dans le temps, isolé du monde. Là où les héros des films de Zemeckis étaient jadis littéralement coincé dans le temps (Marty McFly ou Scrooge qui voyagent dans le temps, les femmes de La Mort vous va si bien ou Beowulf qui sont immortels, Forrest Gump qui semble ne jamais vieillir) ou isolé du monde (Marty perdu en 1955, Chuck Noland perdu sur une île déserte dans Seul au monde), ici la notion prend une nature plus métaphorique, via l'alcoolisme du personnage, tout comme le site du crash a quelque chose de théorique dans l'image de cette épave échouée aux yeux de tous. Et c'est le même parcours vers la rédemption de certains héros zemeckisiens qui le guidera vers le salut.
I WANT TO BELIEVE
On ne sait pas depuis combien de temps Zemeckis est sobre mais il y a fort à parier que cela coïncide globalement avec La Mort vous va si bien, autrement dit le début des années 90. Jusqu'alors, les films de l'auteur ne prenaient pas autant l'aspect de "contes moraux" mais on a l'impression que depuis, cette moralité prend une place assez importante dans sa filmographie, passant parfois par un discours sur Dieu assez lourdingue. Dans La Mort vous va si bien, la punition réservée à celles qui défient Dieu reste superficielle mais elle va s'accentuer de film en film (Jenny la pécheresse qui meurt dans Forrest Gump, la conclusion pro-foi de Contact et du Pôle Express, la christianisation de Beowulf, etc.). Et dans Flight, à peu près tous les personnages évoquent Dieu en parlant à Whip (une hôtesse de l'air qui lui dit de venir dans sa paroisse, un patient cancéreux à l'hôpital, l'avocat qui invoque Dieu avec cynisme, un survivant qui l'invite à prier, un Alcoolique Anonyme, etc.) dont l'avion s'est écrasé devant une église (dont elle a brisé le clocher). Toutefois, au-delà de toute bondieuserie, le vrai problème du film réside dans son approche assez conventionnelle. On se demande d'ailleurs si Zemeckis, en bon pénitent, n'a pas aussi opté pour une relative modestie formelle pour cette même raison. Si le récit est très bien raconté tout le long, il demeure très classique, tant dans le fond que dans la forme. On pourra discourir des heures sur l'incroyable séquence de l'avion, totalement différente de celle, déjà terrifiante, de Seul au monde. La manière dont la caméra reste quasi-exclusivement à l'intérieur, principalement dans le cockpit, faisant monter la pression, sans musique, épousant une noirceur inattendue le temps d'une réplique (la boîte noire). Elle arrive au bout de 20 minutes de film, on sait qu'ils vont s'en sortir, et pourtant on agrippe son siège. La maîtrise de Zemeckis sur cette séquence n'a d'égale que celle de son protagoniste, gérant le chaos avec maestria. La scène restera une des plus mémorables de l'année. Dommage que le film ne le sera aucunement.