Festival de la Roche-sur-Yon: Flesh and Blood
L’acteur et réalisateur Mark Webber (The Hottest State de Ethan Hawke), s'inspire d'éléments de sa propre vie et construit un récit urbain intime et hyper-réaliste, entre documentaire et fiction. Une histoire à la fois personnelle et politique, où tous les personnages jouent leur propre rôle ou une version d’eux-mêmes, avec une bouleversante sincérité...
(SUR)VIE DE QUARTIER
Mark sort de prison et revient dans son ancien quartier, une banlieue de banlieue criblée de problèmes (chômage, drogues, violences familiales…). Avide de tisser à nouveau des liens affectifs avec ses proches, Mark endosse cependant le rôle d’observateur, quelque peu en retrait, et c’est à travers ses yeux que nous découvrons cette vie ou plutôt cette survie de quartier, où chaque discussion révèle son lot d’anecdotes déprimantes. « Rien n’a changé » remarque-t-il en reprenant ses repères. « Détrompe-toi » lui répond sa mère, « tout est pire encore qu’avant ». De fait, on a nous aussi comme première impression d’avoir déjà vu plus d’une fois cette Amérique contemporaine des laissés-pour-compte, et surtout ce personnage de gangster taiseux au grand cœur. On croit connaitre tout cela et pourtant Flesh and Blood saisit rapidement par sa bouleversante acuité.
Ancré dans une réalité sociale des plus concrètes, Flesh and Blood est pourtant empreint d’une mélancolie fort poétique. Particulièrement sobre dans son écriture, évitant le tire-larme facile, Flesh and Blood est pourtant plus émouvant qu’un mélodrame. Qu’est-ce qui fait qu’on se sent ici incroyablement proche des personnages, bien plus qu’ailleurs ? Qu’est-ce qui donne ce relief si particulier à ce portrait a la fois personnel et politique ? La réponse se trouve peut-être dans l’étonnant concept derrière le film: Flesh and Blood a beau ressembler comme deux gouttes d’eau à une fiction (dans sa mise en scène et son scénario), ici tout est vrai. Mark Webber, qui est acteur dans la vraie vie, joue ici son propre rôle, entouré de son vrai frère, sa vraie mère et ses vrais amis, incarnant eux aussi leur propre personnage.
Il est tout à fait possible d’apprécier le film sans rien savoir de cette genèse particulière, ou même sans s’en douter. Flesh and Blood est d’ailleurs tellement subtil et touchant que même sans cela, il serait déjà un formidable antidote au faux cinéma indépendant américain tel qu’on le voit trop souvent en festival (de Sundance a Deauville). Mais cette démarche ne se réduit pas à un gimmick scénaristique. Elle apporte au contraire une force supplémentaire au film. Candidate aux élections présidentielles de 2012 pour le parti écologiste (dans la vraie vie, oui oui), la mère de Mark bouleverse autant lorsqu’elle raconte son passé familial tumultueux pour mieux souder sa famille que lorsqu’elle embarque son fils et nous avec dans ses actions politiques de terrain. Et quand la caméra de Mark Webber capte de l’intérieur une manifestation anti-Trump, l’impression d’immersion est plus fort que n’importe quel effet 3D.