Fixeur

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Fixeur
Roumanie, 2016
De Adrian Sitaru
Durée : 1h39
Sortie : 22/03/2017
Note FilmDeCulte : ****--
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Radu, un jeune et ambitieux journaliste veut se faire un nom dans la presse internationale. Quand deux prostituées mineures sont rapatriées de France, il est engagé comme fixeur dans l’équipe d’une chaîne de télévision française dirigée par un journaliste reconnu. Mais durant le voyage, les intentions, les ambitions et les limites de chacun vont se révéler.

UNE AFFAIRE DE FEMME

Adrian Sitaru ne chôme pas: un an à peine après le singulier Illégitime, le réalisateur roumain (qui entre temps, a déjà réalisé un autre film) revient déjà sur nos écrans avec la coproduction française Fixeur. Le fixeur du titre, c'est Radu, journaliste chargé de servir de guide et traducteur à une équipe de télévision française venue en Roumanie enquêter sur une prostituée mineure. L'affaire est scabreuse, et les répercutions médiatiques internationales importantes. La pression est grande pour ces journalistes pressés par l'urgence du scoop, partagés entre éthique et ambition. Or la jeune fille en question, dont ils espèrent obtenir une interview, est protégée par la justice locale. On voit venir le dilemme moral qui les attend: l'interview en question leur permettrait de faire arrêter son proxénète, mais jusqu'où ces journalistes pourront-ils aller pour forcer la jeune fille fragile à témoigner?

Or, twist : ce n'est pas exactement la piste suivie par la film. Ceux qui ont vu Illégitime le savent : Sitaru sait prendre la tangente pour mieux interroger nos limites morales. Les journalistes en question, roumains comme français, sont tous des hommes. Les témoins qu'ils rencontrent, les contacts politiques qu'ils n’hésitent pas à solliciter: tous sont des hommes. Du gros con en cravate, sûr de son pouvoir, qui se demande si cette gamine "possède trois nichons" pour qu'on s’intéresse autant à elle, au brave gars qui estime que ses clients étaient quand même des braves types qui n'ont pas eu de chance d'être arrêtés, chacun a un intérêt plus ou moins important dans la résolution de cette affaire, mais malgré leurs intentions plus ou moins louable, tous font preuve d'une condescendance maladroite envers la victime.

La résolution de l'enquête est presque un MacGuffin. Les détails glauques nous sont épargnés, et ce qui intéresse Sitaru, c'est avant tout la peinture d'une société entièrement masculine qui s'agite autour de cette gamine, mi-désirable mi-victime, sans réelle considération pour elle et son avenir. Avec subtilité, Fixeur prend le contre-pied du "Rape and Revenge social" attendu : si les hommes s’agglutinent ici autour de la victime, c'est moins pour la venger que que pour la manipuler dans leur propre intérêt. Le constat est acide, mais il surprend d'autant plus que Sitaru le parsème de touches d'humour cruelles et de décalages parfois presque oniriques. Malin et jamais manichéen à outrance, voilà au contraire un film singulier et particulièrement ambigu... jusque dans son dénouement.

par Gregory Coutaut

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