First Man - le premier homme sur la lune

First Man - le premier homme sur la lune
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First Man - le premier homme sur la Lune
First Man
États-Unis, 2018
De Damien Chazelle
Scénario : Josh Singer
Avec : Kyle Chandler, Jason Clarke, Ryan Gosling
Photo : Linus Sandgren
Durée : 2h20
Sortie : 17/10/2018
Note FilmDeCulte : *****-
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Pilote jugé « un peu distrait » par ses supérieurs en 1961, Neil Armstrong sera, le 21 juillet 1969, le premier homme à marcher sur la lune. Durant huit ans, il subit un entraînement de plus en plus difficile, assumant courageusement tous les risques d’un voyage vers l’inconnu total. Meurtri par des épreuves personnelles qui laissent des traces indélébiles, Armstrong tente d’être un mari aimant auprès d’une femme qui l’avait épousé en espérant une vie normale.

AU CLAIR DE LA LUNE

Dès sa scène d'ouverture, littéralement à couper le souffle, Damien Chazelle donne le ton. Marquant encore un renouvellement formel après La La Land dont il troque le Technicolor chatoyant pour du 16mm granuleux, abandonnant les plans-séquences qui dansent avec le spectateur pour une focalisation interne encore plus immersive, First Man fait montre de la force de frappe d'une aventure historique vue à la première personne. De son propre aveu, Chazelle avait pour programme de montrer à quel point cet accomplissement humain que l'on réduit tous aujourd'hui à une phrase culte était une tâche difficile et effrayante mais son film n'est pas une célébration triomphante du pari remporté. Si le récit adopte une écriture elliptique propre au genre, il révèle surtout une histoire qui choisit d'être rythmée par les échecs. Et les tragédies. À l'instar de son excellente BO, souvent atypique, First Man troque le biopic conquérant pour un éloge hanté par la mort. Hanté comme semble l'être son protagoniste. À la question "pourquoi aller sur la Lune?" régulièrement posée tout au long du film par les médias, le peuple en colère, les députés, les supérieurs ou la famille, les dialogues avancent évidemment l'argument de l'exploration mais Chazelle souhaite apporter une réponse plus intime. Non pas pourquoi l'Homme y est allé mais pourquoi l'homme y est allé.

Durant cette première séquence, au plan moyen sur Neil Armstrong enfermé dans son cockpit répond son contre-champs en vue subjective qui laisse d'emblée l'impression que le cinéaste s'est posé les bonnes questions sur la meilleure manière de proposer un point de vue original sur un événement aujourd'hui pris pour acquis. Il s'est posé à la bonne place, aussi. Littéralement. À la place d'Armstrong lui-même, de l'humain qui peut se concentrer sur un détail, sur tel verrou, sur tel mécanisme à la base de la rampe de lancement auquel personne ne pense mais qui est aussi crucial que le reste tout en étant une pièce anodine en soi. La minutie de cette praticalité traduit la réalité du processus mais également de l'expérience. Il est de ces films dont le sound design vous paraît inédit au point d'évoquer instantanément l'authenticité. On se dit "Oui, j'y crois. Je pense que c'est ce qu'Armstrong a entendu à ce moment-là. Ce putain de grincement métallique qu'un autre film aurait étouffé mais que celui-ci amplifie, m'instillant la sensation d'y être et de flipper comme ce pilote hors pair a pu flipper, redevenant un commun mortel comme moi." Lors de la mission Gemini 8, que l'on suit du début à la fin, Chazelle ne quitte jamais le module et ses deux astronautes. Pas même durant toute la phase qui précède le décollage et dont le temps dilaté vient à évoquer ce sentiment d'anticipation emplie d'excitation et surtout de crainte que l'on a tous ressenti dans Space Mountain quand le wagon s'immobilise dans le canon et que l'on attend de partir sans savoir quand ça va arriver et quand ça arrive, on se prend toute la vitesse de l'accélération dans la tronche. Voilà, l'immersion est communicative à ce point.

Et tout aussi vérace sonne la vision, furtive mais non moins sublime, de la Terre vue du ciel, d'un point de vue qui n'est justement pas donné au commun des mortels, à l'Homme, et qui lui fait forcément tout relativiser. En somme, le film suit les efforts d'un homme qui cherche à retourner là-haut. Pur personnage chazellien, Armstrong est caractérisé par son obsession pour le travail et son besoin de solitude. Cette fois, il n'est plus tant question de passion (artistique) comme dans Whiplash et La La Land mais on retrouve cette notion de sacrifice de soi, notamment physique mais également sentimentale, comme prix à payer pour accomplir ce en quoi l'on croit. Néanmoins, Chazelle semble gagner une fois de plus en maturité entre deux films. À l'obstination adolescente du jeune batteur de Whiplash, prêt à quitter sa copine pour la musique, suivait le regret du couple de La La Land d'avoir cru nécessaire de se séparer pour mener à bien leurs carrières respectives, et First Man paraît tout d'abord revenir en arrière, validant la façon dont l'astronaute néglige sa famille pour une plus grande cause mais l'hallucinant alunissage qui clôt le film en IMAX 70mm (on aura pas de 1.44 en France mais rien que la résolution de l'image tranche avec le fourmillement bouillonnant du reste du film) s'avère cathartique à plus d'un titre, tant pour le personnage que pour le spectateur. Soudain, l'émotion qui semblait manquer aux scènes "à la maison" de l'histoire s'avère avoir été délibérément contenue comme Armstrong la refoule lui-même, explosant de façon magnifique à la fin et donnant tout son sens au film et au parcours du héros, réinscrivant l'humain dans le fait historique. Un Rosebud terrassant de beauté bouclant la boucle avec l'introduction.

par Robert Hospyan

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