Fin du regne animal (La)
France, 2002
De Joël Brisse
Scénario : Joël Brisse, Marie Vermillard
Avec : Catherine Della Rosa, Richard Esteban, Hélène Fillières, Ana Gantes, Bruno Lochet, Michel Verplancke
Durée : 1h47
Sortie : 10/12/2003
Pour tout le monde, sauf peut-être sa sœur et sa nièce, Noël est l’idiot du village, l’abruti du Gard, un fainéant écolo simplet, juste bon à picoler et à laisser ses vignes dépérir. Mais Noël est avant tout un amoureux de la nature et de tous ses enfants, qu’ils soient animaux ou humains. Pour impressionner et conquérir le cœur de la nouvelle institutrice, la jolie Olivia, Noël va forcer sa marginalité jusqu’à l’excès.
IL FAUT QUE TU RESPIRES
Pour son premier projet personnel de long métrage, Joël Brisse, acteur chez Duty (Poids et moi) et Torres (Le Bel Hiver), renoue avec sa co-scénariste Marie Vermillard, aux côtés de laquelle il avait déjà signé en 2000 le mi-figue mi-raisin Imago (jours de folie). Manière, sans doute, de ne pas arriver complètement en terre inconnue. Manière, surtout, de rendre son cheminement du court au long le moins chaotique possible. De fait, Brisse tisse un canevas qui lui est familier: personnages innocents, nature broussailleuse, simplicité des situations. On sent la patte du "court métragiste". Au point où l'on en vient presque à regretter que La Fin du règne animal excède l’heure et demie, tant on a l’impression d’avoir croisé des bouts de cet univers un soir d’insomnies dans Libre-Court ou Court-Circuit. Reprenons: Brisse nous plonge dans un monde champêtre fantasmatico-naturaliste, comme issu d’une bande dessinée de Cabanes ou de Prado, et y lâche les figures classiques de l’idiot du village poivrot, de la gamine clairvoyante et curieuse, ou encore de la ravissante citadine découvrant la campagne. Bien sûr, ce qui doit arriver arrive: l’idiot ne l’est pas à ce point mais, Cassandre avinée, personne ne daigne l’écouter; la gamine est tenue à l’écart de l’idiot, qu’elle adore mais en lequel les adultes croient voir une menace; la ravissante citadine, qui plus est institutrice, est intriguée par l’idiot, qu’elle prend en pitié, et qui brûle de passion pour elle. Et au milieu de tout ça, des brins d’herbe vrillent au vent, des vaches meuglent, des soleils se couchent, des rochers granitent, et de l’eau clapote.
ET C’EST PAS RIEN DE LE DIRE
De ce postulat archi rebattu, difficile de dérouler du neuf et de donner du sens à 1h47 de film. L’impression de compilation de courts métrages persiste. On pense à Peau de vache, pour le rapport quasi-humain avec les animaux, aux Frères Helias pour le léger fantastique campagnard, ou encore à L’Ombre des fleurs, pour les thématiques générationnelles et le rapport quasi-sexuel avec la nature. Aussi, en dépit de toute la sincérité de son réalisateur (Brisse tente de résoudre la légèreté de sa trame en y insufflant des messages de mise en garde envers la course au béton et aux pesticides), rien n’y fait. Incapable d’inscrire clairement son film dans une tonalité, Brisse n’offre aucune continuité à son film. A la fois ode à la nature, histoire d’amour et de frustration, message humaniste de respect et de naïveté, La Fin du règne animal ne décolle vraiment que lors de ses aspirations burlesques. L’apparition de Noël (un Bruno Lochet très simple, enfin autorisé à prendre un peu de recul sur ses interprétations hystériques des Deschiens) dans la séquence d’ouverture, baignant tout habillé dans la rivière; les confidences hurlées de rocher à rocher; le barbouillages de glaise d’Olivia (Hélène Fillières, pour une fois pas vraiment à son aise); l’oiseau mort se remettant à voler; la fugue du chien… Autant de séquences qui parviennent à tirer le film vers le haut. Seulement, ces passages font figure d’exception, et ne sont pas toujours habilement menés. Ainsi, le lièvre à trois têtes brandi par Noël parvient à peine à nous arracher une grimace de dégoût. Rien à faire: à moins de s’appeler Guiraudie, d’invoquer Johnny Got et les Renault Fuego, restituer de manière originale la pesanteur bucolique des petits villages où l’on s’emmerde paisiblement, assis sur des marches ou sous les frondaisons, relève de la gageure.