Fenêtre secrète
Secret Window
États-Unis, 2004
De David Koepp
Scénario : David Koepp
Avec : Maria Bello, Len Cariou, Johnny Depp, Timothy Hutton, John Turturro
Durée : 1h36
Sortie : 14/04/2004
Mort Rainey, auteur à succès récemment séparé de sa femme, affronte le problème de la page blanche lorsqu'un jour, John Shooter se présente à sa porte et prétend que Rainey lui a volé son histoire...
LA PAGE BLANCHE
D’un côté, Vue imprenable sur jardin secret, nouvelle magnifique mais inadaptable du prolifique Stephen King, dans laquelle le lecteur pénètre l’inconscient d’un écrivain ayant à faire à un psychopathe. Ecriture limpide et peu visuelle, psychologie fouillée des personnages, structure exemplaire, un petit chef d’œuvre d’une centaine de pages comptant parmi ce que l’écrivain du Maine a écrit de plus beau, de plus fort. De l’autre, David Koepp, scénariste de génie (Spider-Man, Mission: Impossible, L’impasse…) et réalisateur doué (Hypnose), s’attaquant à ce qui semble être l’équivalent littéraire de son propre cinéma: un univers crédible mais parsemé d’éléments fantastiques dans lequel évoluent des personnages richement façonnés. Mais l’ambition et le talent de Koepp ne peuvent que se heurter à une profusion de bémols dus au caractère totalement inadaptable d’un tel texte. Comment retranscrire visuellement les pensées d’un personnage? Comment ne pas aplatir une histoire somme toute banale à la base? Car en retranscrivant par des éléments visuels les pensées les plus obscures d’un personnage, Koepp ne risque finalement qu’une chose: transformer le film en slasher classique (qui a tué? qui sera tué?). Force est de constater que malgré tout le talent du bonhomme, les pièges ne sont pas évités. Une ouverture réussie (incroyable travelling hitchcockien réussissant l’exploit de présenter le personnage sans la moindre ligne de dialogue), un final amusant et original dans lequel Koepp s’auto-cite, mais une demi-heure centrale par trop redondante qui cherche à instaurer un climat angoissant en y parvenant que partiellement. La faute notamment à une partition musicale incroyablement standardisée, interchangeable avec celles de centaines d’autres thrillers de ces dernières années.
MISSION IMPOSSIBLE
On l’aura donc compris, le travail d’adaptation est pour le moins inégal mais, devant le produit final, on ne peut s’empêcher de penser que David Koepp a néanmoins réussi le meilleur scénario possible. Un film carré, parfois surprenant, dont les grosses ficelles fonctionnent généralement, bien qu’elles soient très souvent attendues. C’est cependant largement suffisant pour jeter le trouble sur la totalité des personnages, dont la galerie constitue l’un des points forts du film. Si Johnny Depp se montre de plus en plus bourré de tics depuis son interprétation surestimé dans un film de pirates au demeurant fort sympathique, John Turturo surprend réellement dans son rôle de bouseux inquiétant au fort accent mississipien – constance dans l’œuvre de l’écrivain, l’homme du sud, fort et bourru, légèrement plouc, avec chapeau et salopette de travail. Apportant au film tout son background, il confère à son personnage une sobriété exemplaire jusque dans le débit des mots et la précision des gestes. Quant au clin d’œil fait à La Part des ténèbres (film de George Romero tiré d’une autre œuvre du King, et tournant déjà autour du thème de l’écriture), il est astucieux puisque effectué par l’intermédiaire de Timothy Hutton, talentueux interprète du film suscité. Au delà des critères techniques et artistiques, il est cependant un point sur lequel le film parvient à égaler la nouvelle, et c’est justement celui de la thématique centrale de l’œuvre de King, celle de l’écriture (Shining, Misery…). Tiraillé par l’angoisse de la page blanche, traumatisé par la séparation d’avec sa femme, Mort Rainey ne peut que vivre avec déchirement l’intrusion de cet homme qui lui demande de réécrire la fin… La fin de sa nouvelle? La fin de sa vie? La fin du métrage? C’est dans ce tiraillement que le film parvient véritablement à surprendre et à transcender le genre fait de clichés auquel il appartient. Une réussite mineure, certes. Mais une réussite tout de même.
En savoir plus
Vue imprenable sur jardin secret fait partie du recueil de nouvelles paru sous le titre Four Past Midnight (scindé en deux dans l’édition française et retitré Minuit 2 et Minuit 4). La première nouvelle de ce recueil (Les Langoliers) a déjà été adapté, mais pour le petit écran.