Famille Savage (La)
The Savages
États-Unis, 2008
De Tamara Jenkins
Scénario : Tamara Jenkins
Avec : Gbenga Akinnagbe, Philip Bosco, Peter Friedman, Laura Linney, Philip Seymour Hoffman
Photo : Mott Hupfel
Musique : Stephen Trask
Durée : 1h53
Sortie : 20/02/2008
Wendy et son frère Jon n’étaient pas pressés de revoir leur père. Ils avaient eu assez de mal à échapper à son emprise et ne voulaient surtout pas replonger dans une histoire familiale déjà trop chargée. Même si cela n’a pas été facile tous les jours, chacun mène sa vie d’adulte : Wendy est intérimaire en attendant de percer comme dramaturge, et entretient une liaison avec son voisin marié. Jon – professeur d’université névrosé – écrit sur d’obscurs sujets. La santé déclinante de leur père les oblige à s’extraire de leurs vies pour prendre en charge cet homme qu’ils évitaient depuis plusieurs années.
LA HORDE SAVAGE
Réconciliations familiales autour du clamsé: le postulat est proche de la tarte à la crème, mais La Famille Savage sait mettre les mains dans le cambouis. On ne se réconcilie d’ailleurs pas vraiment, Wendy et Jon ayant compris depuis fort longtemps que si l’on ne pouvait rien y faire, il fallait vivre avec. Avec l’absence de la mère, l’inconstance du père, la frustration artistique, la lose sentimentale et les enfants tourmentés de tout ce désordre. La journée débute par une étrange et belle parade de mères-grands déguisées en pom-pom girls, dans un village de seniors accros au Bingo et probablement tous abonnés à Pleine vie. Mais le portrait en technicolor, où l’on tartine les ongles fatigués du plus beau des fuschias, a tôt fait de se craqueler en une grise peinture tragicomique des mouroirs qui puent, théâtre du malaise familial d’un clan un rien déphasé. Toutes les familles sont psychotiques : produit par Alexander Payne, le film de Tamara Jenkins excelle dans une même fibre à la fois pathétique et poignante, dans cette description d’une famille où l’on ne sait même plus s’étreindre, et où tout contact physique paraît même aussi saugrenu que dérangeant.
«Je me suis aperçue que Hansel et Gretel ressemblaient beaucoup à Jon et Wendy», commente la jeune réalisatrice. Soit des enfants, même à quarante ans, abandonnés sans le moindre repère, démunis face à la mort, contraints à grandir, enfin, bloqués qu’ils sont dans une adolescence éternelle (impossibles engagements sentimentaux, projets d’élévation inaboutis), dans cet hiver froid où plus rien ne bouge, juste un glissement et la mort aux trousses. Laura Linney, dans son emploi bien rôdé de quasi frigide au bord de la dépression, prenant le temps de déplier son clic-clac avant de faire l’amour ou piquant leurs antidépresseurs aux mémés fraîchement claquées, est très convaincante, même si un rien larmoyante, tandis que Philip Seymour Hoffman est plus que parfait dans un rôle de prof triste et névrosé, moins mis en valeur par le scénario mais son talent sans mesure se charge de combler les trous. Plus démonstrative, Tamara Jenkins ménage quelques portes de sortie en fin de parcours, réconfort peut-être un peu mécanique, mais le voyage familial, l’accompagnement vers la mort et, enfin, le chemin de l’émancipation, sont aussi forts que drôles, aussi denses que beaux.