The Fake
Corée du Sud, 2013
De Sang-Ho Yeun
Scénario : Sang-Ho Yeun
Durée : 1h41
Les habitants d’un village qui sera bientôt englouti par les flots suite à la construction d’un barrage deviennent les victimes d’un escroc prénommé Choi. Se faisant passer pour un prophète, Choi sermonne ses ouilles à longueur de journée, aidé dans sa tâche par le pasteur Chung, et parvient à convaincre les villageois de verser leurs indemnités de relogement à cette religion d’un nouveau genre. Mais Min-chul, un bon-à-rien méprisé de tous, découvre le pot aux roses…
UN PROPHÈTE
Révélé il y a deux ans avec The King of Pigs, le Coréen Yeun Sang-Ho aura trouvé au moins un avantage aux budgets tiny-mini de ses productions. En effet, son second long métrage The Fake a pu être réalisé relativement rapidement par rapport à d’autres films d’animation qui nécessitent une patience acharnée. Si l’animation parfois rudimentaire des personnages peut d’abord frapper, c’est une chose que l’on oublie en un instant. D’abord parce que la force du récit prime et que cette animation brute fait corps avec le propos. Ensuite parce que le film est finalement très beau grâce à des matte paintings soignées et une superbe utilisation des couleurs plongeant l’histoire dans une éternelle atmosphère crépusculaire.
« The Fake parlera de l’artificialité des religions sous un angle tragique. Le film confrontera des personnages faibles qui s’accrochent à leurs croyances par besoin, et d’autres qui cherchent à les exploiter ». C’est ainsi que Yeun Sang-Ho nous présentait son projet dans notre entretien. The Fake est aussi noir et extrême que The King of Pigs, et rappelle cette phrase d’Eric Rohmer : « la fiction transcende toujours le réel ». Vous vous demandez pourquoi The Fake n’est pas un film « traditionnel », tourné avec des acteurs ? Cette citation de Rohmer s’applique tout à fait aux grands films d’animation qui transcendent toujours la prise de vue réelle. Le climat incroyablement violent de The Fake aurait probablement été intenable en « vrai » film, tandis que l’animation implique une transposition, une distance, une réflexion. Jusqu’à devenir une fable où le seul clairvoyant d’un village en désespérance semble être un sauvage doublé d’un fou à lier.
Yeun Sang-Ho n’a peur de rien, surtout pas d’être too much. Les visages de ses personnages se déforment comme ceux des méchants d’un épisode de Clémentine : anguleux, monstrueux, étranges. La chronique réaliste flirte avec le fantastique où apparaissent fantôme et ombres de Satan. The Fake est une nouvelle peinture saisissante de la folie qui fait attendre avec impatience le prochain film de Yeun Sang-Ho. Le sujet ? Les personnes en marge de la société se transforment en zombies cannibales. Pas si loin, au fond, de ce que racontent ses films apparemment plus ancrés dans le réel comme The King of Pigs ou The Fake.