Faites le mur!

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Faites le mur!
Exit Through the Gift Shop
Royaume-Uni, 2010
De Banksy
Avec : Banksy
Musique : Roni Size
Durée : 1h26
Sortie : 15/12/2010
Note FilmDeCulte : *****-
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Dans un monde où nous sommes bombardés de messages publicitaires qui envahissent l’espace public, les œuvres de Banksy offrent un regard différent - un regard à la fois drôle et incisif, sans être dogmatique pour autant. Banksy a fini par convaincre l’Anglais moyen que les véritables vandales de notre société sont ceux qui construisent des immeubles plus hideux les uns que les autres et non ceux qui dessinent sur leurs murs.

MEAN STREETS

Qu'est-ce que ce film? C'est la question que l'on se pose à l'issue de la projection. La réponse se trouve peut-être dans la question que l'on se posait avant la projection : à quoi peut bien ressembler un film réalisé par Banksy, street artist britannique, habitué des tags au pochoir cinglants dans leur propos, jusqu'à présent limités aux murs, même si parmi ceux-ci figure également le nouveau rideau de fer. Il va sans dire que pour les connaisseurs, ce documentaire avait de quoi attiser la curiosité. Et le résultat ne déçoit pas. Le parcours du projet en soi est déjà assez fascinant et particulier. Initialement, il y a un individu, Thierry Guetta, qui tient une boutique de fringues pour bobos de Los Angeles, qui ne se sépare jamais de sa caméra et filme absolument tout, jusqu'au jour où il découvre les œuvres d'un cousin à lui, qui s'avère être nul autre que Space Invader (le français qui a collé un peu partout des petits space invaders en mosaïques). Dès lors, Guetta se passionne pour le street art en pleine naissance et enquille les rencontres, comme celle de Shepard Fairey, l'artiste responsable de la célèbre image d'Andre The Giant accompagnée du slogan "OBEY" (et qui allait être aussi l'auteur de l'iconique image d'Obama tricolore avec le slogan "HOPE"). Cette rencontre en engendrera d'autres et au fur et à mesure, Guetta se plonge dans le Los Angeles nocturne à la recherche de street artists, les filmant en train de tagger ou d'afficher leurs œuvres sur les murs de la ville, le plus souvent clandestinement, enfreignant les mêmes lois qu'eux. Il y a déjà là, dans un premier temps, une sorte de paradoxe entre la dimension initiale du street art (œuvre d'artistes anonymes, invisibles) et cette mise en avant de leurs auteurs jusqu'alors définis par leur discrétion (même ceux qui gardent pseudos et visages floutés sont du coup "médiatisés" et révélés au grand jour). Se pose d'emblée un embryon de question sur le besoin (apparemment inévitable) de reconnaissance, même de ces artistes post-punk habitués à se jouer du système, condamnés à l'anonymat. Même avec internet, c'est leur art qui était diffusé au plus grand nombre, ici ils sont filmés, ils sont les héros d'un documentaire qui leur est consacré. Ne manquant pas d'y donner un début de réponse, la démarche de Banksy paraît a posteriori intégralement dédié à cet effet.

THE DARK KNIGHT

Le travail de ces artistes relève du mouvement punk. On remarquera d'ailleurs cette nature presque "super-héroïque", ou plutôt de "vigilante", qu'ont les taggeurs. Tous ces mecs qui œuvrent la nuit, masqués (parfois littéralement, parfois en post-prod), œuvrant dans les limites de la légalité, évoluant sur les toits, dénonçant les "lavages de cerveau". Poursuivant sa recherche, et prétendant préparer un documentaire, Guetta estime indispensable d'entrer en contact avec Banksy, chantre du du mouvement, légende du street art, et par un concours de circonstances, il fera sa connaissance, devenant plus ou moins son complice (l'escapade à Disneyland est en cela assez édifiante et palpitante). A nouveau, Banksy évoque l'intérêt de voir la réaction des gens face à leur art et apprécie de cette manière les vidéos de Guetta. Voyant que son documentaire ne va nulle part, il le pousse à montrer les images qu'il a. Mais en voyant le résultat, expérimental (poseur?) et presque irregardable, Banksy intime à son comparse de se mettre au street art (auquel il s'était vaguement prêté) tandis que lui reprend le documentaire en main. Au départ, on est assez étonné de voir la forme finalement assez conventionnelle choisie par Banksy pour ce documentaire, et l'on se demande si le film allait porter un regard critique sur ce contraste entre leur "rébellion" anonyme et ce produit filmique à leur gloire, notamment sur Fairey par exemple, qui commence donc comme street artist et finit par avoir designé l'image la plus connue d'Obama. Sont-ils vendus au système à présent? Et en fait, il est assez fascinant de voir comment Banksy retourne le dispositif contre le réalisateur original (Guetta) dont il utilise les images pour les reconfigurer en une descente en flammes.

EXIT THROUGH THE GIFT SHOP

En effet, la suite du documentaire montre alors un Guetta passé à la vitesse supérieure, multipliant les œuvres d'art, à un rythme industriel, avec une douzaine d'employés qui exécutent les œuvres pour lui à partir de ses idées (alors qu'à la base, le street artist est "tout seul", dans la rue), et ira même jusqu'à liquider tout son argent dans l'organisation d'une exposition maousse, carrément mégalo, où le moindre tableau se vendra 18 000 $ minimum, accumulant les louanges du moindre hipster branchouille ou riche collectionneur d'art californien. Au final, le retournement est si violent qu'on en vient à se demander, forcément, si tout ceci n'est pas monté de toutes pièces. Un canular habilement déguisé pour montrer l'appropriation d'un art par les médias, par le peuple, portant aux nues l'œuvre complètement dénuée d'originalité - Guetta copie allègrement Fairey, puis Banksy, et même Warhol - d'un mec qui a débarqué d'un coup. C'est pas pour rien que Guetta prend comme pseudonyme Mr. Brainwash. Aujourd'hui, Banksy s'en défend et assure que tout est "100% authentique" mais en fin de compte, ce qui est dénoncé, c'est ce lavage de cerveau, vidant l'art de son sens et le réduisant à un produit, à une mode. Le film est donc finalement une œuvre purement banksienne, vu comme le projet documentaire est parasité puis semblablement complètement renversé voire même carrément parodié, tourné en dérision pour dénoncer une dérive du système. Faites le mur! est une œuvre riche, et quelque part assez complexe, en plus d'être tour à tour drôle, et juste, et intéressante, et informative.

par Robert Hospyan

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