Extrêmement fort et incroyablement près
Extremely Loud and Incredibly Close
États-Unis, 2011
De Stephen Daldry
Scénario : Eric Roth
Avec : Sandra Bullock, Viola Davis, John Goodman, Colin Hanks
Photo : Chris Menges
Musique : Nico Muhly
Sortie : 29/02/2012
Oskar Schell, 11 ans, est un jeune New-Yorkais à l'imagination débordante. Un an après la mort de son père dans les attentats du World Trade Center, le "jour le plus noir", selon l'adolescent, il découvre une clé dans les affaires du défunt. Déterminé à maintenir un lien avec l'homme qui lui a appris à surmonter ses plus grandes angoisses, il se met en tête de trouver la serrure qui correspond à la mystérieuse clé. Tandis qu'il sillonne la ville pour résoudre l'énigme, il croise toutes sortes d'individus qui, chacun à leur façon, sont des survivants. Chemin faisant, il découvre aussi des liens insoupçonnés avec son père qui lui manque terriblement et avec sa mère qui semble si loin de lui, mais aussi avec le monde déconcertant et périlleux qui l'entoure...
LOOKING FOR OSKAR
Après Billy Elliott, The Hours et The Reader, trois films aussi différents que réussis, Stephen Daldry s'attaque à Extrêmement fort et incroyablement près, adaptation du roman homonyme de Jonathan Safran Foer, dans lequel un gamin surdoué et asocial, traumatisé par la perte de son père lors des attentats du 11 septembre, entame une quête en forme de catharsis dans les rues de la Grosse Pomme. On ne va pas se mentir, même si on ne doute pas de la sincérité de Daldry à vouloir raconter cette histoire, on est ici devant l'exemple-type du film calibré pour briller lors des cérémonies de début d'année : un best-seller qui mélange tragédie personnelle et traumatisme collectif, transposé par le brillant Eric Roth, avec en tête d'affiche Tom Hanks et Sandra Bullock, sous la houlette du producteur Scott Rudin. Point commun entre tous ces gens : ils ont tous déjà au moins un Oscar en poche; et si Stephen Daldry n'a pas encore le sien, il reste à ce jour le seul réalisateur à avoir été nommé trois fois en seulement trois films. Moralité, quand on s'attaque à un projet dont le personnage principal s'appelle Oskar, il faut savoir mettre toutes les chances de son côté…
Sur le papier donc, une équipe de choc, et la promesse d'un drama bien puissant, mais malheureusement à l'écran, un résultat inversement proportionnel à la somme des talents mis à contribution. Passée une première partie très sucrée, mais pas forcément désagréable où Tom Hanks incarne littéralement le Meilleur Papa du Monde, trop complice avec son fiston génial, Oskar se retrouve soudain seul avec sa mère, qui jusqu'ici faisait principalement de la figuration dans la cuisine. Totalement déboussolé, il entame son long périple sur les traces de son père et de banal, le film devient dès lors pénible, et ce, pour deux raisons… La première c'est qu'il s'enferme pendant un long moment dans une structure répétitive qui alterne les trajets d'Oskar, les gens qu'il rencontre, ses retours à la maison, un flashback avec Papa, un conflit avec maman, avant de repartir pour un tour. Daldry semble ainsi prendre conscience à mesure que le film avance, que la quête d'Oskar - qui occupe quand même deux tiers du film - n'est pas très passionnante, et du coup essaie de faire passer la pilule comme il peut, multipliant soudain les plans, avec un montage très cut, mélangeant et amplifiant les sons, autant, semble-t-il, pour nous faire prendre le pouls d'une ville qui se confond avec la quête frénétique d'Oskar, que pour pouvoir passer plus vite à la scène suivante. Quoiqu'il en soit, on a souvent dans ces moments-là la sensation que ça s'agite beaucoup pour pas grand-chose.
L'autre gros problème du film, c'est son personnage principal. Oskar est une sorte d'Holden Caulfield du pauvre, version surdoué, mais aussi légèrement autiste sur les bords. Il a des crises d'angoisses qu'il apaise avec le tintement d'un tambourin qu'il promène partout avec lui et qu'on a méchamment envie de lui confisquer au bout de cinq minutes. Et il est totalement agaçant du début à la fin. Le problème ne réside pas dans le côté atypique du personnage, bien au contraire, mais dans son manque total de nuance : il est toujours à deux doigts d'exploser, et se comporte avec ses proches comme un vrai petit despote - il y a d'ailleurs une ou deux scènes dans lesquelles il s'énerve contre le personnage incarné par Max Von Sydow, et où celui-ci reste parfaitement stoïque, mais où l’on sent quand même poindre fortement chez l'acteur l'envie de lui coller une bonne paire de claques. Ainsi, la connexion émotionnelle ne se fait jamais, et au final on se contrefout totalement de ce qui peut bien lui arriver, ce qui est tout de même dommage pour un film intégralement vu de sa perspective. Cependant, on se gardera bien d'incriminer le jeune Thomas Horn, qui fait ce qu'il peut, et semble clairement avoir été dirigé en ce sens.
Et si vous comptiez un peu sur Tom Hanks et Sandra Bullock, sachez qu'ils n'ont malheureusement pas grand-chose à faire, et que leur présence respective à l'écran ne doit pas dépasser 20 minutes. En revanche vous pourrez vous consoler avec Max Von Sydow, Viola Davis et Jeffrey Wright, qui sont tous impeccables ; c'est en partie grâce à eux que le film repart, et arrive à être brièvement touchant dans son dernier quart d'heure, mais sincèrement, au vu du potentiel d'un tel sujet et de l'éventail de talents déployé, c'est tout de même bien maigre, et on en ressort presque déçu que le hold-up lacrymal n'ait pas eu lieu.
Olivier Sarrazin