Expérience (L’)

Expérience (L’)
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Expérience (L’)
Das Experiment
Allemagne, 2000
De Olivier Hirschbiegel
Scénario : Christoph Darnstädt
Avec : Christian Berkel, Moritz Bleibtreu, Andrea Sawatzki, Liver Stokowski
Durée : 1h54
Sortie : 21/05/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Afin d’étudier scientifiquement le comportement humain, un professeur enferme vingt volontaires dans un univers carcéral surveillé par des caméras. Huit participants sont désignés pour être les gardiens et reçoivent des uniformes et matraques de fonction. Les douze autres deviennent des prisonniers en cellule. L’ambiance va vite dégénérer…

UN PRECEDENT REEL: L'EXPERIENCE DE STANFORD

Le film d’Olivier Hirschbiegel (futur réalisateur de Blade III), s’inspire de faits réels qui se sont déroulés en 1971 en Californie, dans l’université privée de Stanford. Dans le cadre d’une étude comportementale sur la solitude et l’oppression, des étudiants volontaires furent désignés au hasard comme gardes ou prisonniers. Des caméras permettaient aux scientifiques d’étudier l’expérience. Au bout de quelques jours, les gardes désœuvrés commencèrent à persécuter les prisonniers, en leur imposant des fouilles nocturnes, l’obligation de nettoyer les toilettes avec les mains. Une scientifique réussit à convaincre ses collègues du danger de continuer. Prévue pour durer deux semaines, l’expérience fut finalement arrêtée au bout de six jours.

VICTIMES ET BOURREAUX

L’Expérience s’impose comme un film fascinant et inconfortable à regarder, car on sait que les évènements vont forcément mal se passer. Au début, on pense au film de Samuel Fuller, Shock Corridor (1963), dans lequel un journaliste se fait interner dans un hôpital psychiatrique pour démasquer le coupable d’un crime. Dans le film d’Olivier Hirschbiegel, il n’est pas question d’intrigue policière, mais d’un journaliste déchu, Tarek Fahd (interprété par Moritz Bleibtreu, immense) qui espère décrocher un scoop en participant à l’expérience, tout en la filmant incognito, avec une micro-caméra cachée dans ses lunettes. Fahd n’est pas sympathique, du fait qu’il s’efforce de provoquer les gardiens, afin de filmer du sensationnel. Les représailles violentes sur tous les prisonniers vont l’inciter à réfléchir sur ses actes, mais ce sera trop tard. La situation conflictuelle a révélé le sadisme qui sommeillait dans certains des gardiens. Berus (impressionnant Justus Von Dohànyi), un homme insignifiant dans le civil, prend rapidement la tête des gardiens et prône le respect par la terreur. Conforté dans l’idée qu’il a l’appui des scientifiques qui n’interviennent pas, il entraîne tous les gardiens dans une escalade de violence. Dans I comme Icare (Henri Verneuil, 1979), une fausse expérience faisait croire à un individu qu’il envoyait des décharges électriques de plus en plus violentes à quelqu’un attaché sur une chaise, si ce dernier (en réalité un comédien) ne pouvait répondre à une série de questions. L’homme étudié était prêt à envoyer des doses mortelles, simplement parce qu’il croyait être couvert par les scientifiques. Dans L’Expérience, Berus exploite son autorité en se retranchant derrière ce qu’il croit être un accord tacite des scientifiques.

UNE EXPERIENCE PENIBLE

Le long-métrage est terrifiant car il est réaliste. Bien que le spectateur prenne vite le parti des prisonniers oppressés, il lui est difficile de savoir ce qu’il ferait à la place des gardiens. Le réalisateur évite le manichéisme, et tous les gardiens ne sont pas des sadiques qui s’ignorent, Bosch (Antoine Monot, Jr.) est placé dans une situation difficile car il désapprouve la violence psychologique, puis physique, pratiquée par Berus, mais ne peut pas s’y opposer de front, de par sa nature timide, mais aussi parce que tous les autres gardiens suivent Berus. Contrairement à ce qui s’est passé à Stanford, la scientifique qui s’oppose à la continuation de l’expérience, dans le film (excellente Andrea Sawatzki), ne parvient pas à convaincre le professeur responsable de faire cesser la situation. Les gardiens se mettent à exercer des violences, hors caméra, et l’on assiste à des scènes très désagréables d’humiliation: Fahd se fait pisser dessus, doit nettoyer les toilettes avec son vêtement. Le film est allemand, et l’on ne peut que penser aux persécutions concentrationnaires.

L’Expérience n’est pas aussi fascinant dans le malsain que Salo ou les 120 journées de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1975) ou Requiem for a Dream (Darren Aronofsky, 2000), mais demeure un spectacle éprouvant. Heureusement, des bouffées d’optimisme font en sorte que l’histoire ne soit pas insoutenable: Fahd se raccroche à l’amour qu’il éprouve pour Dora (Maren Eggert), une jeune femme rencontrée peu avant qu’il accepte de participer à l’expérience. Moritz Bleibtreu, remarqué précédemment dans Cours Lola, cours (Tom Tykwer, 1998) et Luna Papa (Bakhtyar Khudojnazarov, 1999) est sans conteste l’un des grands acteurs allemands contemporains, il a reçu le prix du meilleur acteur au Deutscher Filmpreis en 2001, ainsi qu’au Festival International du Film de Seattle en 2002, pour le rôle de Fahd. C’est justifié.

par Yannick Vély

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