Evil Dead

Evil Dead
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Evil Dead (2013)
États-Unis, 2012
De Fede Alvarez
Scénario : Fede Alvarez
Avec : Shiloh Fernandez, Jane Levy
Photo : Aaron Morton
Musique : Roque Baños
Durée : 1h30
Sortie : 01/05/2013
Note FilmDeCulte : ------
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Mia a déjà connu pas mal de galères dans sa vie, et elle est décidée à en finir une bonne fois pour toutes avec ses addictions. Pour réussir à se sevrer de tout, elle demande à son frère David, sa petite amie Natalie et deux amis d’enfance, Olivia et Eric, de l’accompagner dans la cabane familiale perdue au fond des bois. Dans la cabane isolée, les jeunes gens découvrent un étrange autel, et surtout un livre très ancien, dont Eric commet l’erreur de lire un passage à haute voix. Les plus épouvantables des forces vont se déchaîner sur eux…

MORT-VIVANT

On peut tout à fait prendre plaisir à ce remake de Evil Dead. Contrairement à certains remakes récents de classiques de l'horreur, vides jusqu'au vertige et déjà oubliés (des Griffes de la nuit aux Carpenter revisités), Evil Dead nouvelle génération est un film plein (du spectacle en veux-tu en voilà) et généreux (pas d'autocensure ou d'horreur pour enfants). Sauf que, paradoxalement, Evil Dead réunit également, à nos yeux, ce qui constitue le pire du pire de l'horreur actuelle.

Dès les premiers plans, une silhouette passe rapidement devant l'objectif de la caméra. C'est un truc à sursaut qu'on dira classique pour être poli, éculé pour être plus précis. C'est aussi un truc qu'on trouve dans de grands films donc pourquoi pas ? Mais on peut se demander pourquoi, dans l'exercice de la relecture, Evil Dead tient absolument à ses clichés dès ses premiers plans. Pourquoi un prologue explicatif ? Pourquoi cette peur du vide pourrissant une certaine production horrifique actuelle qui a besoin de tout expliquer, qui ne supporte pas une seconde de blanc ou de mystère ? L'original avait-il besoin d'un prologue ? Est-ce qu'il marchait moins bien comme ça ? Peu importe pourrait-on dire, Fede Alvarez réalise son propre film, et il a le droit de se distinguer du Raimi comme il le souhaite.

Mais pourquoi faire des personnages basiques du film original des personnages débiles ? Pourquoi une scène où l'un des personnages lit à haute voix, dans le livre maudit, une formule qui réveille le Mal alors qu'il y a écrit juste à côté de ne pas la lire ? Pourquoi cette scène sortie d'un ZAZ ? Pourquoi cette blonde qui passe toute la première partie du film à geindre comme une potiche ? Pourquoi cette métisse qui, écrasée par un siècle de cinéma raciste, est transformée en "métisse Tintin", personnage parfait dont chaque dialogue est censé signifier sa supériorité, mais qui ne ressemble au final qu'à un horripilant robot parodique et creux. C'est bien simple, avec ces personnages, on se croirait dans La Cabane dans les bois. Sauf que Evil Dead n'a pas un instant l'ironie, la distance sur le genre et ses clichés que pouvait avoir le film de Drew Goddard.

Evil Dead va loin. L'affiche vante "l'expérience cinématographique la plus terrifiante". C'est une façon de vendre le film, peu importe si on ne voit même pas à quel moment celui-ci est supposé être terrifiant. Le remake de Fede Alvarez marche sur une idée (unique) selon laquelle "plus" serait "mieux". Le gore cartoon du Raimi aura donc sa version ++. Mais est-ce que filmer de près un flot de pisse rend le film meilleur ? Plus choquant, plus "terrifiant" ? Et si le jaune du flot de pisse est bien sombre, est-ce qu'on a un "+" supplémentaire ? Le film est-il meilleur parce qu'on filme longuement une personne qui vomit ? Qui vomit du sang bien rouge ? Qui vomit du sang bien rouge dans la bouche de quelqu'un ? Qui a la bouche ouverte et avale le vomi ? Est-ce qu'on en est réduit à ça, aujourd'hui, pour faire de la vraie horreur radicale ? On ne met pas tout le cinéma gore et ses excès à la poubelle. Mais Evil Dead ne propose qu'un cinéma de surenchère, sans idée de mise en scène, sans écriture, juste du tout-bourrin abrutissant.

"Marre de ces conneries", lâche l'héroïne lorsque le film tourne à l'autoparodie. Comment prendre Evil Dead au sérieux quand la même jeune fille, lorsqu'elle doit se cacher, se précipite dans un terrier situé sous la cabane ? Avant de se mettre à balancer des punch-lines de misère, dans un film qui jusque-là ne fait preuve d'aucun humour, tout ça pour être badass (la qualificatif contractuel du héros des 2010's) ? Le problème, c'est que malgré cette escalade, Evil Dead n'est pas badass du tout. Alvarez plaque une nouvelle histoire de rédemption familiale qui ôte au genre tout son caractère subversif.

Qui a quoi que ce soit à faire de séquences dramatiques premier degré dans un film aux personnages si pauvres ? Qui, encore aujourd'hui, peut avaler la scène où la sœur zombie chantonne la comptine de la maman disparue pour émouvoir le héros orphelin ? Mais au-delà de ça, pourquoi l'horreur est-elle devenue si moralisatrice ? Il y a quelques mois sortait en salles Possédée, une autre production Sam Raimi, un faux film d'horreur dont l'essentiel tenait dans une histoire ronflante de rédemption familiale. Lorsque L'Exorciste traite de la famille, c'est d'une façon totalement subversive. Le genre-même, l'horreur, doit être le genre de la subversion. Or, Evil Dead peut bien accumuler toutes les scènes gores du monde, tous les arrachages de bras, il symbolise toute une horreur paradoxalement aseptisée, prêchi-prêcha, qui n'a plus aucune substance. Du vrai cinéma mort-vivant.

par Nicolas Bardot

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