Everything Everywhere All At Once

Everything Everywhere All At Once
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Everything Everywhere All At Once
États-Unis, 2022
De Dan Kwan, Daniel Scheinert
Scénario : Dan Kwan, Daniel Scheinert
Avec : Ke Huy Quan, Jamie Lee Curtis, Michelle Yeoh
Durée : 2h20
Sortie : 31/08/2022
Note FilmDeCulte : ******
  • Everything Everywhere All At Once
  • Everything Everywhere All At Once

Evelyn Wang est à bout : elle ne comprend plus sa famille, son travail et croule sous les impôts… Soudain, elle se retrouve plongée dans le multivers, des mondes parallèles où elle explore toutes les vies qu’elle aurait pu mener. Face à des forces obscures, elle seule peut sauver le monde mais aussi préserver la chose la plus précieuse : sa famille.

MULTIVERSE OF MADNESS

Dans l'appréciation générale de Doctor Strange and the Multiverse of Madness, nombreux sont ceux à saluer l'inventivité du film mais, même parmi les amateurs, il est à noter que cette appréciation se teintait tout de même d'un certain nivellement par le bas marvelien et qu'en ce qui concernait l'exploitation du concept de multivers, l'ouvrage demeurait encore relativement sage vis-à-vis de son potentiel foisonnant. Hasard du calendrier ou tout simplement du zeitgeist, propice à ce type de postulat, Everything Everywhere All At Once est le film que Doctor Strange aurait pu être. Le vrai multivers de la folie. Une folie de genres, mariant le drame domestique à une histoire d’immigration, le tout dans un film de science-fiction rythmé par des séquences d’arts martiaux. Une folie d’idées, les mots manquant pour décrire le niveau d'inventivité d’un film qui ne recule vraiment devant rien, du concept le plus complexe au gag le plus en dessous de la ceinture. Une folie pour épouser le vertige ressenti par un aperçu de toutes les vies que l’on aurait pu s’imaginer avoir. Une folie réconciliant la plus tristement quotidienne des vies avec son potentiel infini.

L’exploration frénétique au parfum d'exhaustivité que les auteurs font de leur postulat n’a d’égal que le caractère résolument débridédes règles tout à fait improbables qu'ils s'inventent pour régir leur création et pour rendre leur œuvre encore plus originale. Aucune description ne saurait faire honneur à la ressource des Daniels, il faut voir le film pour croire son idiosyncrasie sans pareil. À l'instar de leur premier long métrage, Swiss Army Man, c'est la foi absolue de ses créateurs dans l'humour le plus potache caractérisant leur univers qui fait de ces consignes arbitraires non seulement des gags à pleurer de rire mais surtout une expérience unique. En plus d'être une avalanche d'idées hilarantes débitées à un rythme presque éprouvant, le scénario est réellement une merveille narrative. Très vite, ce n'est plus seulement l'abattage de saynètes - tous ces différents aperçus d'univers parallèles, toutes ces scènes de combat comportant à chaque l'élément décalé qui va lui donner tout son sel (comme ces improbables éléments utilisés comme armes de wu xia pian) - ni l’accumulation d'effets de style qui rend l'expérience vertigineuse mais l'écriture dans sa vue d'ensemble qui déroule en quasi-temps réel un récit d'une densité écrasante.

Travaillant les mêmes thèmes que le précédent film du tandem, ce deuxième opus s'avère toutefois infiniment plus fort et touchant, parvenant, sans en faire un gimmick, à étendre les questions qui se posaient déjà entre deux hommes perdus dans une forêt à une cellule familiale, puis à leurs alter ego et finalement non seulement à un univers mais à un multivers tout entier. L'exercice fait preuve d'intelligence également dans l'emploi des acteurs et des codes, amenant une dimension méta mais sans le moindre sourire en coin facile. Il y a évidemment toute la carrière de Michelle Yeoh, parfaite dans un rôle en or à multi-facettes, qui résonne derrière son personnage mais, sans forcer le trait, le film propose même une déconstruction des velléités de destruction des antagonistes de ce type de récit, ramenant une fois de plus tout à l'intime et à l'introspection. Une nouvelle fois, il est question de s'ouvrir aux autres pour ne pas laisser nos frustrations et nos différences nous tuer, de l'amour comme clé du salut, de l'optimisme à toute épreuve.

Non seulement Everything Everywhere All At Once est un trip d'une richesse et d'un ludisme comme on en voit rarement, traversant allègrement les genres et les influences, des sœurs Wachowski à Wong Kar-wai, mais le film peut se targuer en outre de présenter une philosophie de vie qui émeut aux larmes. Il est même difficile d’en parler tant c'est le genre de film où l’on pourrait passer l'après-séance à énumérer une par une toutes les choses, toutes les scènes, toutes les blagues, toutes les idées qui surprennent, impressionnent et s’avèrent destinées à rester gravées en tête. Un idéal de cinéma qui se classe d’office comme l’un des meilleurs films de l’année.

par Robert Hospyan

Commentaires

Partenaires