Everyone Else
Alle Anderen
Allemagne, 2010
De Maren Ade
Scénario : Maren Ade
Avec : Birgit Minichmayr
Photo : Bernhard Keller
Durée : 1h59
Sortie : 08/12/2010
Pendant leurs vacances en Sardaigne, Chris et Gitty rencontrent un autre couple qui va remettre en cause leurs certitudes...
NOUS DEUX
"Qu'est-ce qui te fait croire que tu me connais si bien?". La question, que Chris adresse à sa compagne Gitty, claque comme un coup de fouet après une quarantaine de minutes de film, après toute une première partie où Maren Ade, jeune réalisatrice allemande qui signe ici son second long métrage, raconte avec une justesse extraordinaire le quotidien heureux d'un couple de trentenaires, leurs jeux débiles et leur connivence qui semble alors absolument waterproof. Dans la fameuse nouvelle vague allemande, Maren Ade se situe davantage du côté du plus chevronné Andreas Dresen (Septième ciel et dont les débuts sont en fait un peu antérieurs à ladite vague) que d'Ulrich Köhler (Montag), par ailleurs son compagnon. Le récit est donc plus traditionnel mais, comme Dresen, Ade a deux armes pour elles, tranchantes comme un sabre: un sens de l'écriture exceptionnel et une direction d'acteurs au diapason. Dans le film de Andreas Dresen, l'histoire d'amour était atypique car elle naissait entre deux sexagénaires. Rien de ça dans Everyone Else puisqu'on a ici deux jeunes gens comme dans nombre d'autres films. Mais on n'a pas le sentiment d'avoir vu ces deux-là ailleurs. Nourrie à Bergman et à Cassavetes, Maren Ade donne corps aux questionnements existentiels de ses deux héros, faisant de la chronique sentimentale attendue et rabâchée une histoire d'amour aussi atypique que celle pré-citée.
Différents de tous les autres, alle anderen. Gitty (Birgit Minichmayr, remarquable et très justement primée à Berlin) y tient, ne ressemble pas aux autres filles et le sait. Chris s'y fait parfaitement, tant que le couple vit dans sa bulle. Le miroir déformé, grotesque, que Maren Ade tend en invitant un autre couple, plus conforme aux standards, va changer la donne. Lui est un semi-beauf paternaliste, elle une apprentie Charlotte York, heureuse de tout et d'un rien. Les rôles que Gitty et Chris ont jusqu'ici brouillé, ce qu'on attend de masculin, de féminin, d'un couple passé un âge symbolique, qu'en faire? Sacs à dos de rando sur les épaules, le couple se perd, se court après, et l'évidence du début ne semble plus qu'un souvenir. Lui, plus vulnérable, cherche à s'intégrer, retrouver sa place, singe un modèle d'homme du passé, elle, en Brunehilde moderne, se maquille et se transforme, se met à aimer une robe qu'elle n'aime pas, est persuadée qu'elle a quelque chose à changer. Par touches subtiles, Maren Ade peint avec acuité et intelligence le bonheur solaire comme les doutes orageux. On n'aura pas vu de film consacré au couple plus actuel et authentique que celui-ci cette année.