L'Etrangère

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Etrangère (L')
Fremde (Die)
Allemagne, 2010
De Feo Aladag
Scénario : Feo Aladag
Avec : Sibel Kekilli
Photo : Judith Kaufmann
Musique : Stéphane Moucha, Max Richter
Durée : 1h59
Sortie : 20/04/2011
Note FilmDeCulte : ***---
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Pour protéger son fils de son mari violent, Umay, une jeune femme turque d’origine allemande, quitte Istanbul et retourne vivre dans sa famille à Berlin. Mais les membres de sa famille, prisonniers des valeurs de leur communauté, ne l’accueillent pas comme elle l’espérait. Umay est obligée de fuir à nouveau pour épargner le déshonneur aux siens.

SEULE CONTRE TOUS

Étrangère, premier film d’une jeune actrice allemande (Feo Aladag, aperçue dans Lucy) arrive sur les écrans français après avoir effectué un sacré tour du monde des festivals. Près d’une cinquantaine en tout (de Berlin à Venise en passant par Tribeca et Créteil), avec à la clé une moisson de prix d’interprétation pour son interprète principale Sibel Kekilli. Révélée il y a sept ans par Fatih Akin dans Head-on, la jeune actrice turque porte en effet le film sur ses épaules et se montre tout à fait à la hauteur de telles récompenses. Passée cette introduction, gommons tout sous-entendu : L’étrangère n’appartient pas à la même famille cinématographique que la plupart des autres films allemands (par ailleurs excellents) sortis chez nous ces dernières années. Jouant plus sur l’affect que sur la rigueur ou la distance, le film parvient à trouver un ton plutôt juste en naviguant avec confiance entre réalisme social et mélo. Dommage que malgré ces qualités, le scénario prenne peu à peu un chemin plus que balisé. Tout d’abord en ne faisant jamais vraiment décoller certains personnages de leur manichéisme (le frère de l’héroïne est uniquement et uniformément méchant, tandis que celle-ci est l’incarnation de la douceur et de la bonté), puis en semblant refuser le non-dit de manière assez étonnante. Passé la première demi-heure et une évocation pudique d’un avortement, il n’y a pas une information qui ne passe pas par des dialogues. Ce qui alourdit chaque scène à force de sur-explication, et qui rend paradoxal ce récit sur les crimes d’honneur et la loi du silence.

On dit que les scénaristes de science-fiction ont deux fois plus de travail que les autres, car en plus de leur histoire, ils doivent également rendre crédible tout un nouveau monde avec ses codes, ses valeurs et ses systèmes de pensée inédits. L'Étrangère se situe bien évidemment à des années lumières de toute science fiction, et pourtant il provoque un questionnement similaire. Car cet univers où l’honneur familial passe avant tout, avant le bonheur, la santé ou la survie, aussi vraisemblable qu’il soit, n’est paradoxalement jamais crédible. A aucun moment la réalisatrice ne parvient à nous faire comprendre pourquoi les personnages sont eux-mêmes aussi coincés dans un système, dans quelque chose d'inéluctable. Comme s'ils étaient méchants parce que c’est comme ça et puis c’est tout. Prenons un autre exemple dans le jeune cinéma allemand contemporain : L’Un contre l’autre de Jan Bonny parvenait à rendre l'évocation de la violence (physique mais surtout psychologique) puissante car il réussissait à en conserver l’esprit de surprise et qu’il ne faisait pas de son héros un martyr face à l’injustice. Ici, il est difficile de compatir longtemps car la violence n’a finalement même pas l’air inévitable. Et sans fatalité, on quitte le registre de la tragédie pour celui du fait divers.

par Gregory Coutaut

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