L'Etranger en moi
Das Fremde in mir
Allemagne, 2009
De Emily Atef
Scénario : Emily Atef
Avec : Susan Wolffe
Photo : Henner Besuch
Durée : 1h35
Sortie : 17/11/2010
Rebecca (32 ans) et son ami Julian (34 ans) attendent leur premier enfant et en sont ravis. Lorsque Rebecca donne naissance à un petit garçon en parfaite santé, leur bonheur semble complet. Mais Rebecca ne ressent pas l'amour maternel inconditionnel qu'elle était censée éprouver et elle ne sait plus du tout où elle en est. Ne sachant pas vers qui se tourner, elle désespère d'autant plus que son propre bébé est pour elle un parfait étranger. À chaque jour qui passe, son incapacité à s'occuper de son enfant devient de plus en plus évidente. Ne pouvant en parler à quiconque, même pas à Julien, elle sombre dans le désespoir, au point de réaliser qu'elle constitue une menace pour son enfant. Finalement, la gravité de l'état de Rebecca est découverte et elle est internée dans une clinique. Elle commence alors à aller mieux et le fait de pouvoir toucher, sentir et aussi entendre rire son bébé commence à lui manquer...
BABY BLUES
On a assisté, ces dernières années, aux pénibles derniers souffles d'une des figures majeures du cinéma allemand, Wim Wenders, dont le dernier opus en date, Rendez-vous à Palerme, traine encore dans un carton. Mais la relève afflue en nombre: Fatih Akin, triplement récompensé à Berlin, Cannes et Venise pour Head On, De l'autre côté et Soul Kitchen, Wolfgang Becker, même si on l'a un peu oublié depuis le triomphe public de Goodbye Lenin!, Tom Tykwer (Cours, Lola, cours) et Oliver Hirschbiegel (La Chute), propulsés depuis à Hollywood, où Florian Henckel von Donnersmarck a justement été oscarisé pour sa Vie des autres. Et puis il y a toute cette frange des petits maîtres d'un certain cinéma allemand, Ulrich Köhler (Montag), Jan Bonny (L'un contre l'autre), Andreas Dresen (Le Septième ciel), Hans-Christian Schmid (Requiem), cette Ecole de Berlin dont les petites pièces forment un puzzle pénétrant. Un puzzle dans lequel Emily Atef, réalisatrice de L'Etranger en moi, s'intègre parfaitement.
Dysfonctionnements familiaux et couples en errance, forme sèche, rejet du sentimentalisme et âpreté du réalisme font le ciment d'un cinéma à côté duquel, certes, n'importe quelle messe protestante passera pour des bacchanales disco. Mais au-delà des habits austères, L'Etranger en moi se montre dense et intelligent dans son portrait d'une jeune mère toutes cernes dehors, dépression post-natale en plaques sur la figure. Une écriture subtile, comme en témoignent le cheminement minutieux qu'Atef observe (autour du mari dont le statut conventionnel de celui qui ne voit pas est largement nuancé), et, comme dans L'un contre l'autre (l'histoire d'un homme se faisant battre par son épouse), la façon dont le tabou intime rejaillit sur le monde extérieur, l'impuissance et l'incompréhension traduites en rejet et en violence, des désordres hormonaux de l'héroïne aux valeurs chamboulées des autres. L'actrice (Susanne Wolff), avalée par la mer ou les bois, porte tout ça très fort. Deutsch ist klasse, et ça ne semble pas parti pour s'arrêter.