L'Etrange couleur des larmes de ton corps

L'Etrange couleur des larmes de ton corps
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Etrange couleur des larmes de ton corps (L')
Belgique, 2013
De Hélène Cattet, Bruno Forzani
Scénario : Hélène Cattet, Bruno Forzani
Durée : 1h42
Sortie : 12/03/2014
Note FilmDeCulte : ****--
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Une femme disparaît. Son mari enquête sur les conditions étranges de sa disparition. L’a-t-elle quitté? Est-elle morte? Au fur et à mesure qu’il avance dans ses recherches, son appartement devient un gouffre d’où toute sortie paraît exclue...

EROTICO MISTICO

Avec Amer il y quatre ans, Hélène Cattet et Bruno Forzani (lire notre entretien) avaient enthousiasmé les amateurs de nouveau cinéma fantastique en remixant les éléments les plus iconiques et aimés du giallo (du cuir qui crisse, du rouge sang qui claque, des armes blanches qui reflètent la lumière et des femme brunes en proie à des mains gantées inconnues, etc.) en un ensemble pourtant très moderne et qui surtout ne ressemblait qu’à lui-même. Cela grâce à une grammaire cinématographique singulière (utiliser le son et l’image plutôt que les mots pour créer une intrigue et des situations) et surtout un appétit stylistique sans pareil que l’on retrouve avec un plaisir fasciné dans leur deuxième long-métrage. Stop-motion, ralentis, alternance entre noir et blanc et couleur, ruptures d’échelles, bruitages qui crèvent l’écran… L’Étrange couleur des larmes de ton corps n’est pas seulement l’un des plus beaux titres de films entendus depuis longtemps, c’est surtout un festin pour l’œil et l’oreille.

Cette Étrange couleur réserve quelques clins d’œil à Suspiria. Une arrivée à l’aéroport en guise d’ouverture, quelques asticots par-ci par-là et surtout l’omniprésence d’un décor baroque étouffant : un immeuble art-déco en forme de labyrinthe hanté. Contrairement à ce que laissait présager leur excellent court de l’anthologie The ABCs of Death, les deux réalisateurs semblent d’ailleurs avoir laissé plus de place dans leur travail visuel à la pure direction artistique. Des peintures murales à la Mucha aux objets quotidiens sortis d’époques éparses et presque contradictoires (des carnets anciens aux téléphones des années 70), tout concourt à désorienter le spectateur plutôt qu’à l’installer confortablement face à des codes cinématographiques familiers. Le fantastique usage des couleurs dans leurs travaux précédents laisse d’ailleurs ici place à des teintes plus sombres et anxiogènes. Le festin prévu se teinte de malaise.

La perte des repères est ici au cœur du récit et du film, et celle-ci n’est pas progressive mais immédiate. Récits dans les récits, songes et fantasmes s’imbriquent et se superposent dans leur logique propre dès les toutes premières minutes. A force de retours en arrière et de répétition, une certaine frustration se crée à voir les pièces du puzzle refuser de s’imbriquer. Le mystère autour de l’enquête du protagoniste ne s’épaissit pas à mesure qu’elle évolue, il s’épaissit à mesure que celle-ci stagne, et le noie. Tout cela pourrait durer une heure de plus ou de moins que l’intrigue n’en deviendrait pas plus claire. Film de cauchemar sans scène de réveil, L’Étrange couleur des larmes de ton corps va et vient entre révélations entraperçues et répétitions des mêmes indices, et pourtant cette redondance-même crée à son tour une nouvelle fascination. Ironiquement, les indices narratifs parsemés en guise de dénouement, symboles sexuels et psychologiques en forme d’images subliminales, ne sont d’ailleurs pas les plus passionnantes. Comme quoi ce mystère avait du bon. Il y a de quoi se perdre et étouffer dans cet immeuble comme dans ce film, et chez d’autres réalisateurs, la richesse visuelle n’aurait servi que de luxueux cache-misère décoratif. Ici, elle n’est rien moins que fulgurante.

par Gregory Coutaut

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