L'Etage du dessous
Un etaj mai jos
Roumanie, 2015
De Radu Muntean
Scénario : Radu Muntean
Durée : 1h33
Sortie : 11/11/2015
En rentrant chez lui, Pătrașcu perçoit derrière une porte au deuxième étage de son immeuble les bruits d’une violente dispute amoureuse. Quelques heures plus tard le corps d’une femme est découvert. Ses soupçons se portent sur Vali, le voisin du premier. Et pourtant Pătrașcu ne se rend pas à la police... même lorsque Vali commence à s’immiscer dans sa vie et dans sa famille.
MON VOISIN LE TUEUR
Toujours la même chose, le nouveau cinéma roumain ? Cela n’est vrai que pour ceux qui le voient de trop loin pour en distinguer les nuances. Il y a trop de différences, par exemples, entre la terreur omniprésente dans les films de Cristian Mungiu, l’absurdité picaresque de Radu Jude (Aferim !), ou le radicalisme minimaliste de Corneliu Porumboiu (Métabolisme) pour les amalgamer. Moins immédiatement fêté que ceux de ses compatriotes cités ici, le cinéma de Radu Muntean (lire notre entretien) pourrait avoir l’air typiquement roumain au premier coup d’œil. C’est-à-dire sombre, parfois taiseux mais souvent tendu, questionnant la place de l’homme dans une société qui oppresse l’individu. Ce serait pourtant réducteur. Son précédent film, Mardi après Noël (déjà présenté à un Certain Regard), se distinguait par un usage audacieux des plans séquence, poussant le spectateur à aller lui-même à la recherche des subtilités narratives du scénario, à mener l’enquête.
La forme de l’enquête est également celle qu’emprunte L’Etage du dessous. C’est bien sûr celle, paradoxale, de Patrascu : témoin auditif d’un meurtre en dessous de chez lui, il passe pourtant le film à ne rien vouloir savoir, et à fuir toute conséquence. C’est aussi celle du cinéaste, qui partage avec les meilleurs de ses contemporains l’art de filmer le non-dit, tout ce qui se trame sous la surface, les terribles remous intérieurs. Et en comparaison de Mardi après Noël, cette enquête gagne ici en rythme et en fluidité. Les enjeux du protagoniste ont beau être intérieurs, L’Etage du dessous est un film nerveux et resserré. Sans jouer les éprouvantes cocottes minutes prêtes à imploser, et en prenant au contraire son temps, Muntean parvient à créer un vrai suspens, à la fois factuel et existentiel. Au scénario, on note la présence de Razvan Radulescu, qui de La Mort de Dante Lazarescu à Mère et fils, a participé aux meilleurs films roumains de ces dernières années. Mais c’est aussi une affaire de mise en scène. Les sombres destins sont paradoxalement plongés dans une lumière parfois étonnamment plaisante (quel est le dernier film roumain vu chez nous dans lequel… il fait simplement beau dehors?). Le film laisse parfois entrevoir une piste moins terre-à-terre, à travers le personnage du fils somnambule, et l’on fantasme parfois ce qu’aurait pu donner l’ensemble s’il avait plongé plus concrètement dans cette direction. Mais en gardant les séquences les plus réussies pour la fin, Muntean fait néanmoins preuve d’un talent narratif certain.