Essential Killing
Pologne, 2010
De Jerzy Skolimowski
Scénario : Jerzy Skolimowski
Avec : Vincent Gallo, Emmanuelle Seigner
Photo : Adam Sikora
Musique : Pawel Mykietyn
Durée : 1h23
Sortie : 06/04/2011
Capturé en Afghanistan, Mohammed est transféré sur une base militaire secrète quelque part en Europe. Au cours de son transport depuis la base aérienne, le convoi armé venu le chercher a un accident et tombe du haut d'une falaise. Mohammed parvient alors à s'échapper. Il se retrouve en cavale, au cœur d'une forêt enneigée et hostile, en territoire ennemie. Poursuivi sans relâche par une armée qui n'a pas d'existence officielle, il a une seule possibilité : continuer de tuer pour survivre.
CATCH ME IF YOU CAN
Jerzy Skolimowski était revenu sur nos écrans il y a deux ans avec l’étrange et sombre Quatre nuits avec Anna, après dix-sept ans d’absence. L’attente de son nouveau long-métrage aura cette fois été bien plus brève. La brièveté est d’ailleurs l’une des qualités d’Essential Killing, un film tout court, aride et percutant, parfois presque expérimental dans son minimalisme (pas de dialogues, presque pas de personnages…). Un homme court, s’enfuit, se cache, se perd, perd haleine, mais ne s’arrête jamais de marcher. De lui on ne sait quasiment rien, si ce n’est qu’il est musulman et qu’il a échappé aux mains de l’armée américaine. Mais ce contexte géopolitique n’est vraiment qu’un détail, presque de l’ordre de la fausse piste, car l’innocence ou la culpabilité du héros n’est jamais un enjeu. Le scénario s’en détache tellement qu’il pourrait tout aussi bien s’agir d’un conflit imaginaire. Le récit d’Essential Killing prend la simplicité du mythe pour nous montrer un homme sans nom, sans passé, sans histoire, qui tient presque plus de l’allégorie que de l’humain en chair et en os.
Même s'il n'a évidemment pas besoin de comparaisons pour tenir debout, on peut donner une bonne idée du film en disant qu’il est le strict contraire des Chemins de la liberté de Peter Weir, sorti il y a peu. Très loin de tout héroïsme ou toute (mélo)dramatisation, c’est en restant brut et simple qu’il dégage le plus de force. Si le scénario prend une voie (relativement) plus romanesque et anecdotique dans sa toute dernière partie, la course de cet homme au bord de la folie revêt avant tout un superbe aspect fantomatique, grâce à de brefs éclats de poésie décalée (une burka flottante, une chorégraphie canine…), et grâce à à un humour absurde, tellement inattendu qu’il rend le tout encore plus glaçant et désespéré. Le rôle a valu à Vincent Gallo le prix d’interprétation masculine à Venise; un prix à la fois mérité et décalé tant sa performance, plus physique que psychologique, ne correspond pas aux canons des rôles-à-récompenses.