Festival Cinéma du réel: Les Enfants du Soleil
Soreiyu no Kodomotachi
Japon, 2011
De Yoichiro Okutani
Durée : 1h47
A Tokyo, portrait diurne et nocturne d’un homme qui depuis quarante ans vit en marginal dans l’estuaire du fleuve Tamagawa, réparant des bateaux aux propriétaires fantômes.
AU FIL DE L'EAU
A l'origine de ces Enfants du Soleil, il y avait d'abord, chez le réalisateur Yoichiro Okutani, la volonté de faire un documentaire sur des chiens errants. Des chiens perdus, Okutani est passé à ce documentaire finalement consacré à Yasuo Takashima, un marginal qui répare des bateaux, vieil homme laissé au bord de la société japonaise à moins qu'il ne s'agisse d'un choix, le doc laissant dans l'ombre ce qui a pu se dérouler avant la rencontre. Il y a 5 ans, nous avions découvert Les Chats de Mirikitani, documentaire consacré là aussi à un marginal, Américain d'origine japonaise, vivant dans la rue. Il ne bricolait pas des bateaux, il peignait. A la place des chiens errants, des chats. Là où les documentaires de Linda Hattendorf et de Yoichiro Okutani s'opposent, c'est dans l'aboutissement de la rencontre. Mirikitani racontait en creux Hiroshima, les camps d'internement pour Japonais aux États-Unis, ou le 11 septembre. De grandes histoires derrière la petite. Les Enfants du Soleil se tourne vers l'antispectaculaire, le refus de la dramatisation, parfois jusqu'à l'auto-indulgence. Mais la bienveillance de Okutani vis-à-vis de son sujet passe par là: le temps utilisé à observer Takashima, le laisser parler, vivre ses nuits, être témoin de sa disparition. L'immersion est totale et les valeurs sont renversées: c'est l'autre Japon qui paraît en marge, quelques bruits de fond, tandis que celui de Takashima, monde invisible, occupe tout l'écran. L'air de rien, jusqu'au dénouement où Takashima semble encore plus caché, repoussé que d'habitude, Okutani délivre un discours politique, un regard sur la société japonaise qui ne cherche jamais à s'imposer par la force.