Enfant (L')

Enfant (L')
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Enfant (L')
Belgique, 2005
De Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Scénario : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Avec : Stéphane Bissot, Deborah François, Olivier Gourmet, Jérémie Renier, Jérémie Segard
Durée : 1h38
Sortie : 19/10/2005
Note FilmDeCulte : ***---

Bruno, 20 ans, Sonia, 18 ans. Ils vivent de l'allocation sociale perçue par Sonia, des vols commis par Bruno et les gamins de sa bande. Sonia vient de donner naissance à Jimmy. Comment Bruno peut-il devenir père, lui qui est si léger, qui vit dans l'instant?

UN ENFANT QUI SOURIT EN DORMANT

Soulignons ce paradoxe amusant: aux antipodes du cinéma de Spielberg, le nouveau film des frères Dardenne, pour lequel ils ont remporté très injustement leur seconde Palme d'Or, navigue sensiblement sur le même thème, celui d'un homme enfant qui face à l'adversité finit par accepter et assumer son rôle de père. La comparaison s'arrête là, forcément. Explorant une fois de plus, après La Promesse et Le Fils, le sujet de la filiation, ils peinent à retrouver la force brutale et l'émotion qui soutenaient les deux films cités. Avouons-le franchement, L'Enfant est une déception, à la mesure de l'attente que le film et son accueil à Cannes avaient pu générer. Bien entendu, on y retrouve la forme exemplaire à laquelle les deux cinéastes belges nous avaient habitués: perfection des plans-séquences (sublime scène de l'échange de l'enfant durant laquelle les frères Dardenne utilisent pour la première fois les codes du cinéma de genre: suspense, hors champ, éclairages…), caméra à l'épaule renforçant la véracité des personnages, authenticité de l'interprétation (Jérémie Reigner y trouve l'un de ses meilleurs rôles). Mais la force qui était celle des frères Dardenne manque à ce nouvel opus, malgré une construction crescendo qui confine malgré tout, dans ses dernières scènes, au génie. Bien entendu, scrutant les corps et les visages, soulignant les failles et les aspérités des personnages, les cinéastes parviennent à faire de cette odyssée paternelle un chemin de croix émouvant sur lequel le jeune Bruno laisse tomber une à une ses résistances et son refus de l'âge adulte. Assumer son rôle de père, c'est prendre en main son destin, c'est arrêter les conneries, c'est arrêter justement de jouer à l'enfant - ambiguïté bien entendu volontaire du titre.

ECOUTE, MAMAN EST PRES DE TOI

Premier plan (séquence): Sonia, jupe courte, rudesse des mouvements, regard effrayé, exténué et apathique. Pas de doute, cédudardenne. Son bébé dans les bras, cette jeune femme aux forts accents rosettiens court après quelque chose. Son homme? Son foyer? Comme Rosetta, Sonia est une enfant qui cherche à se stabiliser, à mener sa barque à bon port, le monde autour d'elle n'existe pas. Oui, mais il y a Bruno, petit gaillard gauche et mal fringué portant encore sur le visage les stigmates de l’adolescence, second enfant à charge pour Sonia et plus précisément père du bébé. Tout le film s'articule autour de ce triangle grossier, de ces trois enfants qui, chacun, tentent d'attirer les autres vers le haut ou vers le bas. Malheureusement, et sans doute pour la première fois chez les deux cinéastes, ce mouvement, ce transfert d'émotion et de maturité (qui était déjà au centre des films précédents) apparaît ici comme maladroit et peu fluide. Qu'est-ce qui cloche au royaume des Dardenne? Probablement un manque de foi dans leur sujet, dont le déroulement se fait un rien hésitant. Où est la force de Rosetta? Du Fils? Si les Dardenne réussissent sans mal les Scènes, celles qui portent le film (et elles sont nombreuses: outre celle déjà citée de l'échange du bébé, on n'oubliera pas de sitôt la poursuite en scooter ou la supplication de Bruno aux pieds de Sonia), elles contrastent bien trop violemment avec le reste du métrage, sans doute trop anodin, à l'image de l'interprétation de Deborah François. En résulte un film bancal, aux sommets heureusement majestueux mais finalement trop rares.

par Anthony Sitruk

En savoir plus

Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne sont devenus les ambassadeurs officieux du cinéma belge à Cannes, depuis 1999 et leur Palme d'or surprise obtenue avec Rosetta. Le Fils, en 2002, a confirmé que les deux frangins portaient chance à leurs acteurs. Après le prix d'interprétation féminine pour Emilie Dequenne (Rosetta), Olivier Gourmet était reparti de la Croisette avec le prix d'interprétation masculine.

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