En attendant le deluge

En attendant le deluge
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En attendant le deluge
France, 2004
De Damien Odoul
Scénario : Damien Odoul
Avec : Anna Mouglalis, Damien Odoul, Pierre Richard
Photo : Patrick Ghiringhelli
Musique : Jean Holtzmann
Durée : 1h20
Sortie : 23/02/2005
Note FilmDeCulte : ****--
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Bourgeois gentilhomme, Jean-René profite de ses derniers jours pour inviter une troupe de théâtre dans son château. Mais la pièce inspirée du mythe de Dionysos tarde à se monter. Les comédiens sont indisciplinés et le metteur en scène, un rien ombrageux.

LE BAL DES CASSE-PIEDS

Jean-René se meurt: Pierre Richard n’a jamais été aussi vivant. Hôte solennel et magnétique, aristocrate ruiné et impassible, présent à la lisière du songe, absent des kermesses à venir. Témoin de l’oisiveté d’hurluberlus philosophes et évaporés, Richard le grand blond distrait endosse avec une gravité inquiète les breloques de la tragédie. En murmures et en pointillés, la valse délétère de Damien Odoul ne ressemble à aucune autre. La mascarade improvisée vacille, prêche le bon dicton littéraire, tourne en rond et se tourne en dérision. En attendant le déluge se délecte de sourires imperceptibles, d'apartés équivoques et saugrenus. Les saynètes hasardeuses balaient les tracas et font bafouiller la compagnie de tristes sires. La pièce commandée n’a jamais lieu, mais les rôles ont déjà été attribués. Pointilleux, importun, cabotin, Odoul "joue au" metteur en scène. Radieuse, fugitive, Anna Mouglalis incarne avec une bonne humeur satisfaite l'égérie abandonnée. "Ils se sont aimés, ils se sont quittés", la ritournelle est lancée; quelques regards prudents, une danse platonique suffisent à étirer la toile amoureuse. Autour d’eux, des braillements et des crises de nerfs, des acteurs courroucés et turbulents. L’histoire s’arrête là. L’attente anxieuse peut commencer. La mort retardée, la pièce ajournée, Odoul s'essaie à l'improvisation et aux extravagances du moment. Jean-René s'en remet à son jardinier, Pipo le bien nommé.

LE BONHEUR EST DANS LE PRE

Mentors et menteurs discourent sur l’art, la dramaturgie, s’ennuient, se prélassent, se fouettent, déclament une cascade de vers, se taisent puis se dispersent. Jusqu'alors dindon de la farce, Jean-René reprend les rênes du groupe, mais les comédiens réduits à l’état de spectateurs continuent de caqueter devant la messe noire qui leur est infligée. En attendant le déluge bulle en toute sérénité, fait de la farniente une terre amie, à peine troublée par la comédie clopinante. Les blondes font les frais de mauvaises rengaines, les virées champêtres chevauchent les soirées trop enfumées. Doublement animateur, Damien Odoul prend un malin plaisir à brutaliser sa cour. Le film, qui prenait l'allure d'un mauvais vaudeville, exaspérant et caricatural, dérive vers la fable lumineuse, émouvante et inclassable, célébrant la régression et l'enfance. Derrière les mines impavides: une inclination naturelle pour la digression et les bagatelles. Autour d'un Pierre Richard altier et rayonnant, les estivaliers jouent au docteur, jouent à se faire peur, galopent, piétinent, harcèlent le chat, s'étripent en tout bien tout honneur... L’espace d’un court instant, Jean-René s’autorise les simagrées, les impolitesses, la folie des grandeurs. Le temps d’un court séjour, la compagnie théâtrale vit, vibre pour rien mais n'a jamais frôlé d'aussi près l'idée du bonheur avant le déclin.

par Danielle Chou

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