Election 2
Hak se wui yi wo wai kwai
Chine, République populaire de, 2006
De Johnnie To
Scénario : Nai-Hoi Yau, Tin-Shing Yip
Avec : Nick Cheung, Louis Ko, Ka Tung Lam, Simon Yam
Durée : 1h32
Sortie : 10/01/2007
Wo Sing est la plus ancienne triade de Hong Kong. Sous l'autorité de son chef actuel, Lok, elle est devenue l'organisation criminelle la plus respectée de la ville. Jimmy, gangster cultivé, cherche à se réhabiliter en bâtissant un empire industriel légal. La rentabilité de ses affaires font de lui un candidat idéal pour l'élection prochaine du nouveau chef.
REVOLUTION CULTURELLE
La lutte pour le sceptre continue. Choix judicieux du distributeur, la sortie différée d’une semaine du deuxième volet d’Election confère une toute autre tonalité au diptyque de Johnnie To, renforçant l’ambition et la cohérence de l’œuvre dans la filmographie du nouveau maître hong-kongais du polar à qui la Cinémathèque de Paris va bientôt rendre un hommage mérité. En apparence, Election 2 reprend le même point de départ que le premier. Deux ans après avoir installé démocratiquement (sic) Lok à la tête de l’organisation, la triade Wo Sing doit choisir un nouveau chef. Mais les temps ont changé et désormais les mafieux s’habillent en costard et rivalisent de grands projets pour faire fructifier leur petit pécule. Jimmy est le représentant de la nouvelle école. Tel Michael Corleone, le Parrain malgré lui de Francis Ford Coppola dans la trilogie éponyme, il rêve de respectabilité et de business propre mais doit replonger la tête la première dans les luttes de pouvoir, piégé par les autorités chinoises.
NOIR C'EST NOIR
Election 2 n’est en effet pas qu’un simple film de genre mais une radiographie du Hong-Kong d’aujourd’hui, celui d’après la rétrocession de la colonie britannique. Le verdict de Johnnie To est sans appel. Le cinéaste démonte le mécanisme de la corruption d’état avec une précision d’orfèvre. Il va sans dire que le film a été interdit sur le territoire chinois… Au-delà des considérations politiques, Election 2 est un formidable exercice de style. Plus encore que dans le premier opus, Johnnie To retarde les flambées de violence pour s’intéresser à la psyché de ces personnages. La frontière entre le Bien et le Mal est aussi mince qu’un papier de cigarette et si l’on éprouve une "tendresse" particulière pour Jimmy et le Motard, leurs actes sont tout aussi condamnables sur le plan moral. Dans une séquence particulièrement insoutenable, le héros n’hésite pas à pratiquer la torture jusqu’à un degré rarement vu au cinéma. Johnnie To a déjà prévenu qu’il ne mettrait pas en chantier une suite à moins que les circonstances politiques ne l’obligent. La fin d’Election 2, au discours proche de celui de Casino de Martin Scorsese, en laisse un goût d’autant plus amer. Scorsese, Coppola… To appartient bien à ce petit cercle.