Eastern Boys

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Eastern Boys
France, 2013
De Robin Campillo
Scénario : Robin Campillo
Avec : Kirill Emelyanov, Olivier Rabourdin
Photo : Jeanne Lapoirie
Durée : 2h08
Sortie : 02/04/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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Ce sont des garçons venus de l'Est : des Polonais, des Russes, des Roumains... Les plus âgés ont peut-être 25 ans. Les plus jeunes, on ne sait pas. Ils traînent du côté de la gare de l'Est. On peut penser qu'ils se prostituent. Muller, un homme discret, la cinquantaine, a repéré l'un d'entre eux, Marek. Alors, un jour, il se lance et va lui parler. Le jeune homme accepte qu'ils se revoient le lendemain. Chez Muller. Et le lendemain lorsqu'on sonne à sa porte, Muller n'a aucune idée du piège dans lequel il s'apprête à tomber.

DONJONS ET DRAGONS

Réalisateur des Revenants il y a près de dix ans (film qui a plus tard donné naissance à la série télévisée du même nom), Robin Campillo (lire notre entretien) est jusqu'ici plutôt connu comme un collaborateur de Laurent Cantet (monteur et co-scénariste de L'Emploi du temps, Vers le sud ou Entre les murs). Avec Eastern Boys, primé à la dernière Mostra de Venise, Campillo signe un second long métrage aussi ambitieux que réussi. Sur l'immigration et l'intégration vues récemment par le cinéma français, on a par exemple eu droit à Welcome de Philippe Lioret, avec ses gentils très dignes et ses méchants très veules. Un film poli qui finissait par être davantage dédié à la bonne conscience du personnage incarné par Vincent Lindon qu'à son sujet initial. Eastern Boys, c'est tout l'inverse. Le réalisateur ne donne pas la main au spectateur pour l'éduquer, ne cherche pas à faire un film confortable. Si l'on devait rapprocher Eastern Boys d'un autre long métrage, on penserait au Suédois Play, autre film qui explore certes des problématiques légèrement différentes (notamment celle du racisme) mais qui a comme point commun le choix d'envoyer valser les préjugés et le manichéisme, de ne pas faire du cinéma didactique ou du cinéma pantoufles; Eastern... comme Play proposant du cinéma qui gratte et qui n'impose pas un système de pensée. L'un comme l'autre ont tout pour être compris de travers - et c'est précisément ce qui fait leur grande richesse.

Car les situations, comme les personnages, sont complexes. Comme ce film qui mélange les genres avec un naturel confondant, débutant façon documentaire placé en vigie de Gare du Nord (le film ridiculise en une dizaine de minutes le récent long métrage façon télénovela de Claire Simon), glissant au home invasion (séquence gonflée et assez hallucinante) puis à la romance improbable et au thriller en Hôtel Ibis. Si cette dernière partie est peut-être un peu moins réussie, les autres parviennent à déjouer les attentes avec justesse tout en n'oubliant jamais de faire du cinéma. Olivier Rabourdin, vu notamment dans Des hommes et des dieux, excelle dans un rôle à plusieurs facettes: quinqua comme les autres, sugar daddy ambigu ou héros mythique. Comme dans Les Revenants, Campillo donne à voir des existences rangées (tranquilles pavillons de banlieue dans son précédent film, appartement relativement chic ici) perturbées par des invités qu'on n'attendait pas (morts-vivants ou immigrés clandestins, même combat). Et il y a dans Eastern Boys ce cheminement assez passionnant où l'on atteint une certaine morale par des voies que beaucoup jugeront parfaitement immorales.

par Nicolas Bardot

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