Drive
États-Unis, 2011
De Nicolas Winding Refn
Scénario : Hossein Amini
Avec : Bryan Cranston, Ryan Gosling, Oscar Isaac, Carey Mulligan, Ron Perlman
Photo : Newton Thomas Sigel
Musique : Cliff Martinez
Durée : 1h35
Sortie : 05/10/2011
Un cascadeur tranquille et anonyme se métamorphose dès que la nuit tombe : il devient pilote de voitures pour le compte de la mafia. La combine est bien rodée jusqu’au jour où l'un des casses tourne mal et l’entraîne dans une course-poursuite infernale. Il veut se venger de ceux qui l’ont trahi...
CASCADE SENTIMENTALE
Drive faisait partie des surprises de la sélection cannoise 2011, le genre de film qu'on attend plus volontiers en séance de minuit. Mais ce serait oublier l'ouverture permise et encouragée par Thierry Frémaux, propulsant ce pitch de série B, de thriller à moteur qui vrombit, dans les hautes sphères de la compétition. Et ce n'est que mérité. D'abord parce que Nicolas Winding Refn ne débarque pas de nulle part, et a déjà imposé sa griffe à travers une filmographie d'une petite dizaine d'années. Ensuite parce que Drive est une petite bombe. Et une bombe qui surprend quand elle explose: on se retrouve un peu, ici, avec ce que pourrait être un film de Sofia Coppola trempé dans l'ultra violence d'un Tarantino. De la première, Winding Refn a le romantisme exacerbé, la mélancolie magnifique, cette façon, dans le chaos, de capturer un paradis (comme Coppola filme celui de son héros de Somewhere en un lent mouvement près d'une piscine, Winding Refn peint le paradis d'un trio improvisé, en se promenant près d'un lac). Pour ce qui est de l'ultra violence, on savait le Danois déjà plus familier du genre.
Winding Refn a bâti son oeuvre coup de poing sur une représentation de la violence, un éclat chez les Vikings du Guerrier silencieux, mais aussi un discours derrière les barreaux de Bronson. La violence dans Drive rappelle celle, jubilatoire et déréalisée, d'un Tarantino, voir ce moment quasi onirique du héros s'invitant dans une loge sur-lumineuse, comme une scène d'un concert de glam rock ou une vision mentale hallucinée. Car Drive est avant tout un film de cinéma, un film sur le cinéma, fétichiste, trouble entre les cascades feintes (le héros est cascadeur à Hollywood) et véritables courses-poursuites (il n'y en a, en fait, qu'une véritable dans Drive), et il y a surtout ce Los Angeles de fantasme, un peu ce que New York était aux Prédateurs de Tony Scott, un écrin de nostalgie 80's magnifiées. LA est doré par toutes ses lumières, comme si, à l'image de nombre des productions de l'époque, un crépuscule permanent tombait sur la ville et ses amoureux, tout ça sous un déluge de pop à synthés qui donne l'impression que Stevie Nicks va resurgir à tout instant pour chanter Stand Back avec une bombe de laque à la main.
Dans cette rêverie absolument jubilatoire, Winding Refn retrouve un nouveau guerrier silencieux: Ryan Gosling, qui dit 27 mots pendant tout le film, sublimé comme pouvait l'être Tom Hardy dans Bronson qui était comme une publicité pour son corps. En donnant avec si peu une chair et une âme à ses personnages, Winding Refn pourrait presque se passer d'action tant son art de la narration, de l'atmosphère, est maîtrisé à merveille. Après la sélection d'ovnis tels que Pater, Hanezu, Melancholia ou ce Drive, la sélection 2011 de Cannes n'aura donc pas cessé de nous surprendre.