Le Disciple
Uchenik
Russie, Fédération de, 2016
De Kirill Serebrennikov
Durée : 1h58
Sortie : 23/11/2016
Veniamin, un adolescent pris d’une crise mystique, bouleverse sa mère, ses camarades et son lycée tout entier, par ses questions. - Les filles peuvent-elles aller en bikini au cours de natation ? - Les cours d’éducation sexuelle ont-ils leur place dans un établissement scolaire ? - La théorie de l’évolution doit-elle être enseignée dans les cours de sciences naturelles ? Les adultes sont vite dépassés par les certitudes d’un jeune homme qui ne jure que par les Ecritures. Seule Elena, son professeur de biologie, tentera de le provoquer sur son propre terrain.
MAUVAISE FOI
Déjà auteur d'une poignée de longs métrages dont aucun n'est sorti dans les salles françaises, le Russe Kirill Serebrennikov est également metteur en scène de théâtre et avait d'ailleurs livré sur scène une adaptation des Idiots de Lars Von Trier. Chemin inverse avec Le Disciple qui est l'adaptation d'un texte théâtral écrit par l'Allemand Marius von Mayenburg. Le Disciple raconte la crise mystique du jeune Veniamin qui se transforme en un véritable intégriste religieux. Plus précisément, Serebrennikov filme les effets de cette crise mystique dans l'enceinte du lycée fréquenté par le jeune homme. Vous avez forcément eu dans votre classe ce type d'attention whore imbuvable ou ce genre de troll qui prend un malin plaisir à rendre les professeurs chèvres. Mais les enjeux, ici, vont bien plus loin que des jeux potaches d'adolescent.
Le Disciple raconte comment une institution entière, directrice d'école comme professeurs, a tôt fait se remettre en question et s'aplatir face aux menaces d'un intégriste isolé. Lorsque celui-ci fait valoir ses arguments tous récités de la Bible, l'un de ses profs (la seule à lui résister) lui oppose un assez imparable "C'était il y a 2000 ans !", en un sourire pincé. Mais, d'une Russie très raide jusqu'en France où l'intégrisme religieux est notable, et où quelques illuminés esseulés peuvent, par exemple, décider de ce qu'on peut montrer ou non au cinéma, les questions posées par Le Disciple sont parfaitement actuelles. La puanteur a vite fait de s'installer, et Kirill Serebrennikov saisit avec puissance les effets de la manipulation mentale et ceux, dévastateurs, d'une certaine mollesse de l'autorité face aux débordements religieux.
Serebrennikov a certes parfois la main lourde. Pas parce qu'il aurait fallu adoucir à l'écran la démence de son triste héros, mais parce que le propos aurait parfois pu être tout aussi efficace avec un peu plus de légèreté. L'idée d'inscrire les versets à l'écran à chacune de leurs citations ajoute un effet "tamponné" pas spécialement heureux. Le scénario, lui, trahit souvent les origines théâtrales du texte et ne prend pas assez de distance: on enchaine la plupart du temps des scènes dialoguées à deux personnages pour faire avancer l'action. Heureusement, le cinéaste russe n'oublie pas de faire du cinéma. Ses plans séquences chorégraphiés donnent de l'urgence à ce terrible récit, son travail sur les couleurs lui donne de la vie, et ses acteurs parfaits rendent très convaincante cette plongée infernale dans l'obscurantisme.