Berlinale: The Dinner
États-Unis, 2017
De Oren Moverman
Scénario : Oren Moverman
Avec : Richard Gere, Rebecca Hall, Laura Linney, Chloë Sevigny
Durée : 2h00
Paul n'a aucune envie de sortir dîner avec son frère Stan, un politicien bien connu, et sa belle-sœur Barbara. Mais sa femme Claire lui demande de l'accompagner. Les couples se retrouvent dans un restaurant à la mode, mais de sombres secrets de famille sont mis sur la table...
LE DÉCLIN DE L'EMPIRE AMÉRICAIN
Lors du générique de début de The Dinner (qui mélange en un premier indice ludique des images de plats et de cimetière), on entend une musique dissonante à la Mica Levi (Under the Skin, Jackie) qui laisse déjà deviner le ton que peut prendre ce dîner presque parfait. Deux couples se préparent et visiblement, personne n'a vraiment envie de se rendre dans ce superbe restaurant ridiculement chic. Qu'est-ce qui se cache derrière cet évident malaise ? La réponse: beaucoup de choses.
Adapté du roman du Néerlandais Herman Koch, The Dinner devait à l'origine être la première réalisation de Cate Blanchett. C'est finalement son scénariste, Oren Moverman, qui dirige ce film. On a découvert Moverman il y a quelques années avec le solide et plus classique The Messenger. The Dinner est moins facilement aimable, il est aussi moins programmatique. Son récit est dense et donne l'impression de partir dans tous les sens: déclin de l'empire américain, désordres mentaux, affrontements familiaux... Peu à peu une question se dessine : qu'est-ce que les personnages sont prêts à accepter pour protéger leur enfant ? Plus précisément : qu'est-ce qu'une personne de pouvoir acceptera de commettre pour le bien des siens ?
Dans ce qui pourrait être une farce grotesque (alors que le film choisit davantage la satire cynique), on minimise les horreurs dont les enfants pourraient être responsable - cela n'est pas Gettysburg. Moverman commente: "Il s'agit de gens privilégiés qui sont tout simplement enfermés dans leur monde". Il ne s'agit pas seulement du petit théâtre (dont Moverman évite d'ailleurs les pièges) d'un panier de crabes, mais du pouvoir de ces crabes sur le monde, sur ceux qui les entoure. La caméra mobile tente d'attraper quelque chose dans cet air électrique. Moverman travaille l'étouffement, et c'est parfois à double-tranchant. The Dinner frôle parfois le syndrome Qui a peur de Virginia Woolf ?, où l'irrespirable devient aussi épuisant. Mais, dans le luxe de ce bar où résonne du Nico, dans ces discussions où l'on a plus à dire sur la variété des fromages que sur la guerre civile, on est heureux de retrouver un cinéma américain méchant, aux personnages détestables, aux faux happy ends. Adapté d'un fait divers terrible, le film ne se limite pas à un sujet. Il écrase, agace parfois, mais se révèle aussi éprouvant que stimulant.
L'Oursomètre: Un prix du scénario voire un prix d'interprétation pour Steve Coogan paraissent crédibles.