Dheepan

Dheepan
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Dheepan
France, 2015
De Jacques Audiard
Scénario : Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Noé Debré
Avec : Vincent Rottiers, Marc Zinga
Durée : 1h49
Sortie : 26/08/2015
Note FilmDeCulte : ***---
  • Dheepan
  • Dheepan
  • Dheepan

Dheepan est un combattant de l'indépendance tamoule, un Tigre. La guerre civile touche à sa fin au Sri Lanka, la défaite est proche, Dheepan décide de fuir. Il emmène avec lui une femme et une petite fille qu'il ne connaît pas, espérant ainsi obtenir plus facilement l'asile politique en Europe. Arrivée à Paris, cette « famille » vivote d'un foyer d'accueil à l'autre, jusqu'à ce que Dheepan obtienne un emploi de gardien d'immeuble en banlieue. Dheepan espère y bâtir une nouvelle vie et construire un véritable foyer pour sa fausse femme et sa fausse fille. Bientôt cependant, la violence quotidienne de la cité fait ressurgir les blessures encore ouvertes de la guerre. Le soldat Dheepan va devoir renouer avec ses instincts guerriers pour protéger ce qu'il espérait voir devenir sa « vraie » famille.

NOS VIES SECRETES

Dans son septième long-métrage, et pour la première fois, Jacques Audiard ne filme pas de stars françaises ou d’acteurs connus. Ça devrait être un détail sans importance, même pour l’un des cinéastes français les plus célébrés, mais cette différence prend ici énormément de (bon) sens. Dheepan suit le parcours de trois réfugiés sri-lankais en France, et rien d’autre ne compte pour la caméra que ces trois destins-là. Pas de vedette dans un rôle secondaire qui nous servirait de prisme observateur en même temps que de tête d’affiche vendeuse. Bâtir un gros film français sur un trio d’inconnu, c’est bien sûr un pari financier, mais en l’occurrence, c’est surtout une question d’honnêteté intellectuelle. C’est la première bonne nouvelle du film : Dheepan est l’anti-Welcome, qui mettait sur le même plan les problèmes de Vincent Lindon et ceux, autrement plus graves, de réfugié qu’il décidait d’aider. Jacques Audiard ne lâche pas ses personnages, leur donne chacun leur importance, et il a le bon goût de ne raconter que leur histoire.

Et il le fait bien. Sa mise en scène, une fois de plus nerveuse et fine à la fois, est ici au service de personnages rares dans le cinéma français, mais aussi d’une histoire inédite. Obligés de se faire passer pour une famille, les trois protagonistes se retrouvent dans un quotidien qui tangue sacrément, mais où ils gardent la tête hors de l’eau. Si elle n’est pas dépourvue de tension ou de violence, la première partie du film frappe par une bienveillance générale, ni dupe ni misérabiliste. C’était d’ailleurs l’une des thématiques du Festival de Cannes cette année : parler de choses très graves sans naïveté mais avec un certain optimisme. Le scénario suit cette intégration de manière d’abord presque anti-événementielle, en se focalisant sur des détails évocateurs (le voile, la bise devant la grille à l’école), et sans hiérarchiser ses personnages.

Il y a pourtant comme un basculement à mi-film. De chronique sociale nerveuse, Dheepan devient progressivement un thriller. En se focalisant alors sur le personnage éponyme, le film laisse de côté la thématique de la famille à recomposer. Alors que l’ensemble gagne momentanément en virilité, on perd hélas de vue l’humanité parfois poignante qui faisait le sel des meilleures scènes. Cette héroïsation musclée du protagoniste laisse un goût étrange, car elle fait bifurquer Dheepan vers un cinéma certes efficace mais doublement conventionnel, abandonnant sa structure de groupe et se conformant in fine au schéma du héros mâle prenant les choses en main. Sans forcément contredire les qualités déjà citées, ce dénouement donne une impression de léger gâchis.

par Gregory Coutaut

Commentaires

Partenaires