Des Spectres hantent l'Europe
Grèce, 2016
De Niki Giannar, Maria Kourkouta
Durée : 1h39
Sortie : 16/05/2018
La vie quotidienne des migrants et réfugiés dans le camp de fortune de Idomeni, en Grèce. En attendant de traverser la frontière : des queues pour manger, pour boire du thé, pour consulter un médecin. Un jour, l'Europe décide de fermer ses frontières une bonne fois pour toutes. Les "habitants" de Idomeni décident, à leur tour, de bloquer les rails qui traversent la frontière.
PROTOCOLE FANTÔME
Lors des premiers instants dans Des spectres hantent l'Europe, documentaire co-réalisé par les Grecques Maria Kourkouta et Niki Giannari, des silhouettes vont et viennent, de droite à gauche puis de gauche à droite de l'écran, avec une régularité proche de la ligne claire. La réalité dépeinte est bien plus sombre: Des spectres hantent l'Europe se déroule dans un camp de migrants et réfugiés, en Grèce, et dont les occupants s'apprêtent à rejoindre les Balkans au moment où l'Europe va fermer ses frontières. Les réalisatrices racontent le quotidien d'un groupe sans vraiment faire de portraits individuels, un groupe qui se déplace et piétine dans ce camp comme dans "les rues de cette Europe nécrosée". En Europe ? En Grèce ? "Nous dormons dans la rue, on n'est chez personne" déclare l'un des protagonistes. Et c'est à cette brutale vérité à laquelle on assiste ici.
Car si l'on entend des chants sur Bachar el-Assad, on ressent surtout la détresse, la pluie dans la nuit noire et la boue au sol. Kourkouta et Giannari insistent sur la présence bien physique des personnes à l'écran, se rapprochent de leurs pieds, on assiste aux bousculades et esclandres. Mais ce sont des hommes et femmes généralement invisibles que l'on voit ici, les spectres du titre, des fantômes qui dans cet univers grisâtre, cet entre-deux mondes où l'on ne distingue plus tentes et bâches, semblent surgir d'une fiction de Kiyoshi Kurosawa. Lors d'une dernière partie en rupture, à la fois dans le ton plus lyrique et la mise en scène qui se rapproche des visages, des portraits se dessinent. Ces gens sont-là, malmenés dans cet hospice inhospitalier qu'est l'Europe, dont les cinéastes offrent ici un reflet critique d'une honnêteté et d'une noirceur sans concession.