La Dernière piste
Meek's Cutoff
États-Unis, 2010
De Kelly Reichardt
Scénario : Jonathan Raymond
Avec : Paul Dano, Bruce Greenwood, Will Patton, Michelle Williams
Photo : Christopher Blauvelt
Musique : Jeff Grace
Durée : 1h44
Sortie : 22/06/2011
1845, sur la Piste de l'Oregon. Trois familles ont engagé un homme, Stephen Meek, pour les guider à travers les montagnes de Cascade. Affirmant connaitre un raccourci, Meek les mène sur une route non balisée sur une plaine désertique. Les jours suivants, les migrants, perdus, doivent survivre en affrontant la faim, la soif et leur absence de foi dans la capacité de survie de chacun. Lorsqu'ils croisent la route d'un Indien, les migrants sont partagés : doivent-ils faire confiance à un guide qui s'est montré incompètent ou à un homme qu'ils ont toujours vu comme un ennemi ?
A MARCHE FORCÉE
Old Joy et Wendy & Lucy, second et troisième longs métrages réalisés par Kelly Reichardt après un hiatus de 12 ans (son premier long, River of Grass, date de 1994), se distinguaient par un art précis de la concision, du moins pour le plus, de l'ellipse et des silences, des miniatures certes mais qui aboutissent à des récits sensibles, forts et pleins (un long plan des maisons d'une petite ville d'Oregon vues à travers une vitre, au début de Old Joy, suffit à raconter leur histoire). Son incursion dans le film à costumes rendait curieux, dans l'immensité du désert encore plus. Première conclusion: le genre importe peu. On reconnait Kelly Reichardt encore une fois à son économie, et ceux qui s'attendaient à ce que ce décor de néo-western vienne élargir son univers et les questions qu'il pose seront peut-être surpris de voir que La Dernière piste vient au contraire radicaliser les procédés de la réalisatrice.
La narration, encore plus à nu, prend le parti de laisser quasiment tous les événements hors champs, avant ou après le film (pas d'exposition, pas de présentation scolaire des personnages, un dénouement en ironiques pointillés), concentrée sur l'entre-deux, l'odyssée monotone de quelques émigrants dans un no man's land cramé par le soleil, la marche sans fin, ici et maintenant. Le cadre, lui, est resserré, et le choix du 1.33 au lieu du cinémascope qu'on serait tenté de dire d'usage pour ce type de film, en dit également long. Au-delà du récit singulier de cet égarement de fourmis dans un abîme, La Dernière piste, moins immédiatement émouvant que les précédents films de Reichardt, stimule par ses paris de cinéma relevés avec éclat.