Depuis qu’Otar est parti...

Depuis qu’Otar est parti...
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Otar, Géorgien parti vivre à Paris, est la fierté de sa mère, Eka, qui vit constamment dans l’attente de ses nouvelles. Seulement un jour, les lettres n’arrivent plus. Otar est mort, là-bas, loin d’elle… Sa fille, Marina, et la nièce de celle-ci, Ada, vont alors tenter de lui dissimuler la terrible nouvelle.

ONLY ABSENCE NEAR ME

À quelques exceptions près (Amours Chiennes, Respiro), il est une constante au festival de Cannes: sitôt primés, les films récompensés à la Semaine de la Critique sombrent dans un oubli critique et/ou public insondable. Pourtant, négliger le premier long métrage de fiction de Julie Bertucceli serait passer à côté de 107 minutes de touchante simplicité. Il suffit de savoir lire pour comprendre que Depuis qu’Otar est parti… est un film sur l’absence. Celle d’Otar, donc, Géorgien exilé à Paris, espoir et honneur de sa vieille mère Eka, mais également source de jalousie pour sa sœur Marina, restée à Tbilissi pour accompagner les derniers jours de la première, en compagnie de sa nièce Ada. Or Otar, déjà parti une première fois, part de nouveau, définitivement, suite à un accident malheureux. C’est le début pour Marina et Ada d’un difficile exercice de funambule, où le mensonge, la fiction, s’imposent pour continuer à vivre…

D’UNE FICTION À L’AUTRE

Sur cette base scénaristique inspirée d’une histoire vraie, il eût été possible de tisser divers canevas, du "bucoliquo-mélancolique" à la Jeunet à la sur-dramatisation larmoyante. Bertucceli emprunte avec sagesse un chemin médian, en se colletant à l’exercice de la sincérité, de l’honnêteté affective. Du monde du documentaire (Bienvenue au grand magasin, Un Monde en fusion), la cinéaste a gardé un goût pour le détail, les émotions diffuses et la proximité. La caméra explore donc de près le visage de ses protagonistes, leurs yeux, leurs rides et leurs sourires, et fonctionne à l’économie. C’est dans cette simplicité que le long métrage excelle, notamment lors d’une scène de fête, éthérée et envoûtante, qui transporte loin et pour longtemps. Certes, l’on peut également reprocher à cet ascétisme volontaire une certaine étanchéité. Mais celle-ci ne se fait sentir que pour être contournée, comme dans cette séquence où Eka, qui est de ces vieux qui "ne pleurent plus, ou alors seulement parfois du bout des yeux", comme le chantait un autre absent, découvre brutalement la vérité en rendant une visite surprise à son fils mort depuis des mois. C’est le ciel de Paris qui fond en larmes à sa place, lavant par là même les espoirs d’hier. Alors une fiction chasse l’autre, et tandis qu’Ada fait des adieux muets à son passé, derrière les portes vitrées d’un aéroport, ce sont des horizons nouveaux, de Stand-By (Roch Stephanik) ou de Persépolis (de la bédéaste Marjane Satrapi) à la géorgienne, qui s’offrent à notre imaginaire. Et qu’on adorerait poursuivre.

par Guillaume Massart

En savoir plus

Depuis qu’Otar est parti… ne sonnerait aussi juste s’il n’était porté par un formidable trio d’actrices. Esther Gorintin, tout d’abord, sublime grand-mère, déjà croisée dans Le Stade de Wimbledon de Mathieu Amalric et dans Voyages d’Emmanuel Finkiel, et qui trouve là ce qui restera sans doute comme son plus grand rôle. Nino Khomasuridze ensuite, presque inconnue en France, croisée dans le documentaire Nous, les enfants du XXème siècle de Vitali Kanevsky, au jeu brut et sincère. Mais on retiendra surtout l’épatante Dinara Drukarova, découverte à l’âge de 14 ans dans Bouge pas, meurs, ressuscite, également signé Vitali Kanevsky, et dont la finesse et le talent explosent ici. Sans doute la révélation du moment, qu’on surveillera donc désormais de très près.

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