Death in the Land of Encantos

Death in the Land of Encantos
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Death in the Land of Encantos
Philippines, 2007
De Lav Diaz
Scénario : Lav Diaz
Avec : Angeli Bayani
Sortie : 30/12/2015
Note FilmDeCulte : *****-
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Entremêlant fiction et documentaire, Death in the Land of Encantos suit plusieurs personnages dans les paysages et les villages dévastés de la région de Bicol aux Philippines, suite au passage du typhon Durian en 2006. Un poète engagé, Benjamin Agusan, revient dans sa région natale, après des années d’exil en Russie, pour y chercher le corps de ses proches et parents. Il y retrouve ses amis d’enfance, les artistes Catalina et Teodoro, mais également les fantômes du passé…

LA MORT EN CE JARDIN

La sortie, il y a quelques semaines, de Norte, la fin de l'histoire, a enfin permis la découverte en salle de l’œuvre magistrale du cinéaste philippin Lav Diaz, alors que la durée de ses films (de 4h à 11h!) semblait les condamner à n'être appréciés que dans des festivals ou des musées. Félicitation à Dissidenz qui, en sortant ce mois-ci Death in the Land of Encantos, prend tout d'abord le risque de distribuer un film de cinéma véritablement hors norme (et qui mérite amplement d'être vu sur grand écran), mais offre aussi un contrepoint très intéressant à la sortie de Norte, et mettant cette fois en avant une partie plus brute de la filmographie du cinéaste. Plus brute, mais tout aussi passionnante.

Death in the Land of Encantos est un projet né dans des conditions particulières. Suite au passage du typhon Durian en 2006, Lav Diaz est parti avec une équipe très réduite (dont Angeli Bayani), poussé par le besoin de récolter des images, comme « un enregistrement d'images de la tragédie ». Devant sa caméra, la destruction est partout, la mort se trouve dans chaque recoin des splendides paysages. Son travail de cinéaste, imprégné de la violence non-résolue de l'histoire de son pays (où encore aujourd'hui, les écoles enseignent les mensonges de la dictature) s'apparente en effet souvent à celui d'un témoin. Mais un témoin qui ne se contente pas de relayer une réalité ; le didactisme doit « fuir la propagande » insiste d'ailleurs le cinéaste. Le cinéma de Diaz témoigne, mais il le fait à travers la puissance de la métaphore : celle de récits archétypaux (Norte), de personnages allégoriques (Florentina Hubaldo CTE) ou d'une mythologie fantastique (From What is Before). C'est par ce biais-là que la fiction est entrée progressivement dans ce projet. A travers la figure du volcan au pied duquel se déroule l'action : beau à l'extérieur, mais empli de haine et de destruction potentielle, et dont on peut sculpter la pierre pour en faire renaître quelque chose de positif.

A priori, Death in the Land of Encantos n'est pas aussi immédiatement esthétique que les films les plus récents de Lav Diaz. De par l'urgence du tournage, les images y sont forcément moins léchées, le noir et blanc moins propre. Mais c'est une excellente illustration de la manière dont le cinéaste parvient à faire coexister la véracité et la rêverie dans un équilibre unique. Il s'y joue un autre paradoxe, plus fascinant encore: Death... est sans doute l'un de ses films qui se repose le moins sur un récit classique (il y en a bien un, mais celui-ci est plus dilué qu'ailleurs), et c'est pourtant celui où l'expérience d'immersion est la plus incroyable. On dit souvent de Lav Diaz qu'il sculpte le temps, et cette formule est moins une métaphore polie pour souligner la longueur de ses plans qu'une tentative d'expliquer la magie qu'il y a à se plonger dans son sens du rythme sans pareil. Il y a un décalage ahurissant entre l'austérité apparente du film et la fascinante gestion du temps qui nous emporte comme jamais. Il faut le voir pour le croire, ces neuf heures passent avec plus de bonheur que bien des films de durée normale. Une expérience de spectateur unique, hors-du-temps, qui ne peut être pleinement vécue qu'en salles.

par Gregory Coutaut

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