Deadlines
France, 2005
De Michael Alan Lerner, Ludi Boeken
Scénario : Michael Alan Lerner
Avec : Omid Djalili, Stephen Moyer, Anne Parillaud
Durée : 1h43
Sortie : 08/06/2005
En 1983, en pleine guerre du Liban, un jeune pigiste américain emprunte l'identité de son supérieur hiérarchique et s'envole à Beyrouth pour couvrir des attentats ayant frappé les bases américaines et françaises. Alors qu'il est sur place depuis quelques heures seulement, sa rencontre hasardeuse avec une photographe française le conduit dans un univers où la manipulation et le mensonge risquent de lui coûter la vie.
FALLAIT PAS MYTHONNER
Ambitieux, à l'image de son personnage principal, vil opportuniste qui privilégie l'intérêt à l'essence de son métier, Deadlines - sous titré "la vérité est dangereuse" - visite des sentiers jusqu'alors à demi battus. Tourné en six semaines seulement dans les rues de Tunis, transformées pour l'occasion en champ de batailles avec feu et cadavres sur le plat, ce thriller politico-surréaliste tiré de faits réels manie humour noir et suspens savamment dosé dans un bain de sang qui nous renvoie à l'actualité du Moyen-Orient. Beyrouth, reflet usé d'un Bagdad aux mille dangers, se pose comme le point idéal à une intrigue faite principalement de mensonges, de corruptions, de risques mais également de dilemmes et de sacrifices. Au fur et à mesure que les masques tombent et que la réalité se dessine, c'est toute une panoplie de savoir faire, de mécanismes pour dénicher l'inédit, et de ficelles pour survivre qui se met en place. Entre pseudo journalistes sirotant des cocktails à longueurs de journées dans un hôtel délabré et couvrant le conflit depuis leur chambre d'hôtel, et reporters motivés qui arrachent des scoops pris directement sur le terrain, le film dépeint le quotidien d'une guerre aux ramifications complexes et aux enjeux principalement économiques. Osé, singulier et rythmé, le film carbure au culot, et propose un regard neuf et riche sur les pressions, multiples et condamnables, qui existent sur les reporters censés informer. Le doute se pose alors, le film amenant autant l’inquiétude que la réflexion, proposant une polémique ouverte mais nécessaire, par un combat de tous les temps: le cinéma, miroir du monde, et de la vérité?
ONE SHOT, ONE OPPORTUNITY
Pour parvenir à recréer la rapidité et le danger constant de Beyrouth, les cinéastes, tous deux anciens reporters de guerre reconvertis au grand écran, ont tout simplement fait appel au chef opérateur le plus expérimenté dans ce domaine: Ivan Strasburg, habitué des ambiances conflictuelles et déjà directeur photo de Bloody sunday, l'un des films "de guerre" les plus poignants de ces dernières années. Tournée caméra à l'épaule, pour renforcer le malaise et le réalisme, l'intrigue alterne entre bureau de travail en plein milieu des ruines, hôtel reconvertit en base journalistique, et zones de guerre, à savoir terrains minés et no man's land propice aux manipulations. Proposant une bannière de questions sans réelles réponses, le film dérange, se voulant honnête et non correcte. De surcroît, le tout brille par une interprétation sensible et complice, d'où se distingue particulièrement le duo Anne Parillaud - Stephen Moyer, amis comme amants, mais qui pousse cependant l'œuvre dans des rivages plus convenus. L'histoire d'amour tant attendu fractionne en effet l'enjeu politique pour s'intéresser d'avantage à un enjeu scénaristique qui substitue les questions de vie personnelle à celles de vie professionnelle. Quelque peu affaiblie, la trame n'en demeure pas moins riche et intéressante, même si moins percutante dans son désir d'originalité et de réalisme. Le véritable tour de force de Deadlines réside alors dans sa simplicité des faits, et dans une déontologie singulièrement assumée qui offre un moment de réflexion brillamment travaillé, et courageusement servi.