Dark Blue
États-Unis, 2003
De Ron Shelton
Scénario : David Ayer
Avec : Lolita Davidovitch, Brendan Gleeson, Michelle Michael, Ving Rhames, Kurt Russell, Scott Speedman
Durée : 1h58
Sortie : 20/08/2003
Quatre officiers de police battent un homme noir du nom de Rodney King. La ville de Los Angeles bout tandis que les agents sont jugés. Dans ce climat incendiaire, le vétéran Eldon Perry et son jeune partenaire enquêtent sur un quadruple homicide dans une épicerie. Les deux policiers doivent également affronter leurs propres problèmes pendant que le Chef Holland mène une investigation sur l'une de leurs récentes affaires, cherchant à coincer Perry pour corruption.
Le point de départ avait de quoi séduire: un sujet de James Ellroy, roi de la littérature policière, situé dans le Los Angeles incandescent de 1992 et qui promettait une descente aux enfers des plus fatales. Cependant, bien que le film bénéficie d'un grand Kurt Russell en pure figure ellroyienne, le potentiel sous-jacent n’est jamais exploité. Ron Shelton, connu pour ses comédies sportives (Duo à trois, Les Blancs ne savent pas sauter, Tin Cup), assure une mise en scène certes correcte mais qui jamais ne confère la dimension nécessaire au scénario pour se retrouver un tant soit peu transcendé. Le film s’ouvre sur les fameuses images du passage à tabac de Rodney King et se clôt sur les émeutes dans les rues de LA. Entre les deux se déroulent le procès des officiers responsables ainsi que l’enquête menée par les deux personnages principaux. Nous sommes en pleine poudrière, et pourtant jamais l'on ne ressent l’imminence de l’explosion. Lorsqu’elles éclatent enfin, les révoltes du quartier de South Central sont loin du chaos annoncé plus tôt dans le film par le protagoniste lui-même. On est loin du Ron Shelton qui écrivait il y a 20 ans Under Fire, de Roger Spottiswoode, sur la guerre civile au Nicaragua. Au lieu de cela, le réalisateur se contente de filmer de façon quelque peu paresseuse l’évolution d’Eldon Perry.
David Ayer, qui nous avait déjà habilement plongé dans le milieu policier difficile de Training Day, cerne très bien son protagoniste. Sous le poids d’un passé à la peau dure (un père et un grand-père dans la police) et d’un environnement hostile (l’enfer du métier et ses méthodes pas toujours nettes), Perry représente l’archétype du personnage d'après James Ellroy: en proie à ses démons intérieurs, rage urbaine, culpabilité et corruption. Le trop rare Kurt Russell incarne avec une justesse exemplaire ce flic qui a obéi trop longtemps, qui se réveille tardivement et qui va exploser. Là encore, la situation autour de lui aurait dû symboliser la détonation en puissance mais seuls quelques fugaces moments font mouche. Au final, il reste un polar qui sans trop promettre déçoit légèrement quant à ses possibilités et qui vaut principalement pour l’acteur et son reflet dans le film, éclipsant le reste du casting et de l’histoire.