La Danza de la realidad
Chili, 2013
De Alexandro Jodorowsky
Scénario : Alexandro Jodorowsky
Avec : Alexandro Jodorowsky
Durée : 2h10
Sortie : 04/09/2013
« M'étant séparé de mon moi illusoire, j'ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie. » Cette phrase définit parfaitement le projet biographique d'Alexandro Jodorowsky : restituer l'incroyable aventure et quête que fut sa vie. Le film est un exercice d’autobiographie imaginaire. Né au Chili en 1929, dans la petite ville de Tocopilla, où le film a été tourné, Alejandro Jodorowsky fut confronté à une éducation très dure et violente, au sein d’une famille déracinée. Bien que les faits et les personnages soient réels, la fiction dépasse la réalité dans un univers poétique où le réalisateur réinvente sa famille et notamment le parcours de son père jusqu’à la rédemption.
SOUVENIRS SOUVENIRS
L’affaire n’était pas mince. Cela faisait vingt-trois ans qu’Alejandro Jodorowsky n’avait pas réalisé de film. Et il faut remonter encore plus loin pour revenir aux long-métrages psychédéliques et mystiques qui ont imposé sa réputation de réalisateur culte. Des œuvres qui semblent appartenir à une époque révolue, à une chronologie détachée du monde. Le temps qui passe comme simple trucage, comme une vue de l’esprit toute relative, voilà bien une idée à la Jodorowsky. C’est d’ailleurs bien cette impression qui saisit d’ailleurs face à cette danse de la réalité : ces vingt-trois longues années se retrouvent pourtant balayée d’une pichenette par la familiarité de l’univers flamboyant de l’artiste chilien. La Danza de la realidad ne ressemble à rien de contemporain, et le langage qu’il utilise est à nouveau celui des métaphores et du mysticisme propre à l’auteur de La Montagne Sacrée.
Jodorowsky raconte ici sa jeunesse chilienne, avec une absence totale d’intérêt pour le réalisme qui n’a d’égale que la sincérité de son entreprise. Ici comme ailleurs, les souvenirs sont des sensations et jamais des faits. Images surréalistes, allégories et mysticisme bouillonnent de concert, dans un ensemble qui manque souvent de rythme (la faute à une voix off envahissante, entre autres) mais qui trouve sa cohésion dans l’éclat poétique de ses visions. De plus, la torpeur qui menace plus d’une fois de plomber le tout se retrouve régulièrement brutalisée par des fulgurances érotiques et violentes. Un charmant personnage ne pouvant s’exprimer que par le chant se met ainsi à pisser sur le visage de son partenaire. Il serait trop facile de lister les nombreux éclats du film, qui vaut de toute façon mieux qu’un catalogue de scènes-choc. Dans les meilleurs moments, La Danza de la realidad prend l’aspect d’un émouvant autoportrait de famille. Œuvre sur ses parents tournée avec d’autres membres de sa famille (le fils du réalisateur campe ici le rôle de son propre grand-père), cette danse nostalgique est l’occasion pour Jodorowsky d’aller et venir entre le réel et le ressenti avec une troublante mélancolie qu’on ne lui connaissait pas forcément. Comme le dit lui-même le protagoniste « Nous n’avons été que des souvenirs, jamais une réalité ».