Dans un recoin de ce monde
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Kono Sekai No Katasumi Ni
Japon, 2016
De Sunao Katabuchi
Durée : 2h05
Sortie : 06/09/2017
La jeune Suzu quitte Hiroshima en 1944, à l'occasion de son mariage, pour vivre dans la famille de son mari à Kure, un port militaire. La guerre rend le quotidien de plus en plus difficile, malgré cela, la jeune femme cultive la joie et l'art de vivre. Mais en 1945, un bombardement va éprouver son courage.
PLUS FORT QUE LES BOMBES
Primé au Festival du Film d'Animation d'Annecy et succès au box-office japonais, Dans un recoin de ce monde est une adaptation du manga signé Fumiyo Kōno. Remarqué avec ses deux premiers longs métrages (l'inédit Princesse Arete et le dtv Mai Mai Miracle), le cinéaste Sunao Katabuchi réalise un mélodrame historique poignant qui ne se livre pas immédiatement. Car si l'on sent que la tragédie gronde dans ce recoin du monde, ce qui frappe en premier lieu, c'est la douceur délicieuse du design, rond et enfantin, pour décrire un quotidien insouciant - même lorsque les fantômes surgissent. On ne doutait évidemment pas de la capacité de l'animation à émouvoir sur un sujet aussi dur - a t-on besoin de faire référence au Tombeau des lucioles sur une période voisine ? Dans un recoin de ce monde réussit à être un film puissant en même temps qu'une fine réflexion sur l'utilisation de l'animation.
Peu à peu, la noirceur de la guerre contamine le quotidien. Comment représenter la guerre et dénoncer son horreur sans en faire un spectacle ? Hayao Miyazaki en avait fait une illustration pertinente dans Le Vent se lève. Sunao Katabuchi poursuit ce geste avec son film : les scènes de combat sont l'occasion de ruptures formelles où l'animation traditionnelle laisse place à la peinture, et les terribles bombes qui s'abattent sont déréalisées en de multiples explosions colorées. D'une réflexion sur la représentation de la guerre, Dans un recoin de ce monde fait aussi une réflexion sur l'usage de l'animation, sur la distanciation avec le réel pour mieux l'explorer, sur l'artifice inhérent à l'animation et qui pourtant permet d'investir l'horreur et la douleur qu'elle implique de façon authentique.
Après une (assez) longue première partie, le film de Sunao Katabuchi, parcouru par une litanie d'alarmes, se fait de plus en plus émouvant, et son propos sur un conflit d'il y a 70 ans reste tout aussi actuel à l'heure des concours nucléaires mondiaux. Katabuchi fait preuve d'un mélange d'empathie et d'élégance dans ce très beau film aux nombreuses idées visuelles.
