Dans tes rêves

Dans tes rêves
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Dans tes rêves
France, 2004
De Denis Thybaud
Scénario : Denis Thybaud
Avec : Blandine Bury, Béatrice Dalle, Léa Drucker, Vincent Elbaz, Edouard Montoute, Firmine Richard
Durée : 1h35
Sortie : 13/04/2005
Note FilmDeCulte : ****--

Ixe tente de percer dans le milieu du rap. Il participe au casting d’une comédie musicale créée par un ancien rappeur respecté de tous.

AUTHENTIQUE AUTHENTIQUE, IXE A SU RESTER VERIDIQUE

On aurait aimé ne pas aimer Dans tes rêves, qui s’apparente à un énième film français sur le malaise des banlieues, sur le rap, sur la délinquance dans les cités, etc. On aurait aimé dire qu’il y en a marre de voir systématiquement les même films, que l’argent va à des projets sans la moindre originalité, et descendre à tout va ce dernier pour ces mêmes raisons. Rimes, rap, tchatche, casquettes, hip hop, tout est là, même "le sandwich grec et les frites préparées par la femme du Grec". Tout ou presque - puisqu’il manque quelque chose, un détail, pour assimiler ce nouveau film à ceux qui l’ont précédé: la thématique misérabiliste de la banlieue. Ici, rien de tout cela, et c’est tant mieux. Dans tes rêves n’est pas un énième film sur le malaise des banlieues et sa représentation dans le rap. Bien au contraire. Dans tes rêves est une comédie bien troussée, bien dialoguée, servie par une galerie de seconds rôles hilarants, Edouard Montoute en tête, dans laquelle le discours politico-social est relégué au second plan. "Désolé, je ne viens pas vous dire (...) que ma vie est tragique. J’viens pas me plaindre de là où j’habite, ni me plaindre sur ma vie", ce sont les paroles de l’une des chansons du jeune Ixe, balancées à la figure d’un parterre de jet-setteurs venus découvrir ce monde de trafic qu’est la banlieue, le rap, la cité... Justement non, dans le film de Denis Thybaud, la cité, ce n’est pas ça. Ici, la cité, c’est un regroupement ethnique chaleureux, avec ses codes, ses lois, son sens de l’honneur, ses amitiés profondes, ses antagonismes ancestraux; un microcosme ouvert sur le reste du monde, qu’il brûle de découvrir d’une manière honnête et sincère. La cité de Dans tes rêves, c’est celle d’une nouvelle génération, plus calme que la précédente, plus lucide aussi, désireuse de s’en sortir que ce soit par le biais du rêve (le rap, la scène) ou, pourquoi pas, par celui d’un commerce (le salon de coiffure).

L’UNIVERS DE LA RUE A FAIT NAÎTRE DES POETES

Le film n’est pas exempt de défauts, loin de là. A ce titre, sa première partie, qui se disperse un peu trop dans des sous-intrigues, peut paraître laborieuse. Mélange des genres, comédie, gangsters, rap, danse, le film se perd à vouloir manger à un ou deux râteliers de trop, notamment à celui qui tourne autour de Vincent Elbaz, personnage superflu sans le moindre intérêt qui alourdie l’intrigue principale en y greffant des manigances illégales. Vol, recel, prison, chantage, autant de figures imposées pour des péripéties qui, elles, ne s’imposaient pas du tout. Les deux scènes avec Jean-Pierre Cassel en gangster impitoyable sont d’ailleurs de l’ordre du ridicule. Mais le cinéaste a la bonne idée de purger à mi-film son histoire de tout le superflu, de la dégraisser pour se concentrer sur le principal: la création et la mise en scène d’une comédie musicale sur l’histoire et la naissance du mouvement hip hop. Bizarrement, c’est dans ce registre que Denis Thybaud, pourtant réalisateur de deux excellents clips pour Bob Sinclar (dont celui mythique avec Jean-Claude Van Damme), déçoit le plus, dans son inaptitude totale à retranscrire même superficiellement cette ambiance musicale dans son film. De l’histoire du hip hop, l’on ne saura rien. De la comédie musicale finale, on ne verra rien ou presque. Pas grave, le film cherche son intérêt ailleurs, et a la bonne idée de se tourner résolument vers l’avenir. Enterrée avec le père de Ixe, la génération qui a vu la naissance du rap. Denis Thybaud filme la génération suivante et lui donne les meilleures scènes. Quelques mouvements de caméra inappropriés sans doute, mais dans l’ensemble, des scènes de groupe et des personnages forts servis par de jeunes et excellents comédiens, auxquels on adjoint des statures plus imposantes (Béatrice Dalle et Firmine Richard confirment tout l’intérêt qu’on pouvait leurs porter). Finalement, le film parvient à surprendre. C’est son meilleur atout, et c’est déjà énorme.

par Anthony Sitruk

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