Berlinale: Daniel's World
Danielův Svět
République tchèque, 2014
De Veronika Liskova
Durée : 1h14
Le portrait d'un jeune homme pédophile qui n'est jamais passé à l'acte.
UN CRIME DANS LA TÊTE
Pour son premier documentaire, la réalisatrice tchèque Veronika Liskova s’est attelée à un sujet pour le moins délicat. Daniel’s World raconte sa rencontre avec un pédophile. Daniel est un jeune homme de 25 ans, étudiant en littérature et aspirant romancier. Il est pédophile mais n’est jamais passé à l’acte. Pour concevoir ce documentaire, Liskova dit s’être elle-même confrontée à ses propres préjugés. Son film est l’antithèse d’une chasse aux sorcières : Daniel est humain, ce qui n’entre pas toujours dans le champ lexical de la monstruosité utilisé régulièrement lorsqu’on parle de pédophilie. Lors d’une séquence de Daniel’s World, des pédophiles parlent, déguisés en anges et démons comme ceux qu’on voit quelques images auparavant lors des fêtes dans les rues. Liskova n’a pas rencontré un monstre.
C’est cette dédramatisation qui surprend : non pas que la réalisatrice justifie la pédophilie (Daniel lui-même a conscience que passer à l’acte serait un crime), mais son regard ne porte pas de jugement facile. C’est parfois la limite de ce documentaire cinématographiquement modeste dans lequel la cinéaste s’efface. Mais cet aspect épuré met en valeur le témoignage de Daniel (qui s’est parfois enregistré sur un dictaphone), sa lucidité face à la solitude qui l’attend – une solitude, dit-il, qui est comparable à celle de plein d’autres personnes seules. Daniel’s World n’est pas non plus complaisant et offre quelques séquences qui peuvent mettre mal à l’aise : les commentaires d’un groupe de pédophiles près d’un jardin d’enfants (scène finalement assez drôle, comme une autre, dantesque, de très surprenants clips musicaux sur Youtube), ou le rejet de la communauté LGBT dont Daniel fait les frais lorsqu’il vient évoquer sa participation à une marche des fiertés. Il est pourtant là, avec un certain courage. Ce même courage qui l’a poussé à parler à ses amis, sa mère, étonnamment compréhensifs. Avec nuance, Veronika Liskova évite les clichés et signe un portrait complexe et inédit.