Cyprien
France, 2008
De David Charhon
Scénario : Benjamin Guedj, Romain Levy, Elie Semoun
Avec : Catherine Deneuve, Vincent Desagnat, Léa Drucker, Elie Semoun, Laurent Stocker, Elisa Tovati
Photo : Antoine Roch
Musique : Jean-Benoît Dunckel
Durée : 1h38
Sortie : 25/02/2009
Cyprien, 35 ans, introverti et maladivement timide, vit en marge de la société, bien loin de ses codes. Il passe sa vie entre Dress Code, un magazine de mode où il est responsable informatique, et le cybercafé qu'il fréquente avec ses amis. Cyprien et ses amis font partie de cette génération de geeks, ces adulescents pour qui Star Wars est une religion, qui passent leurs nuits sur internet, collectionnent les DVD... qui vivent leur vie par procuration.
NE M'APPELEZ PLUS JAMAIS FRANCE
On se demande ce qui a poussé Elie Semoun à porter si tardivement à l'écran l'un de ses personnages cultes, "le Bigleux" comme il le nomme "affectueusement" lui-même, près d'une dizaine d'années suivant sa création, dans les célèbres Petites annonces. Etait-ce le triste succès des films de son fidèle comparse Franck Dubosc, transposant lui aussi au cinéma des personnages créés sur scène (Camping, Disco)? Etait-ce le prétexte de la comédie geek qui permettrait d'ancrer son "Bigleux" depuis longtemps démodé dans une certaine actualité ? Quoi qu'il en soit, après dix ans de seconds rôles, l'humoriste s'octroie enfin un deuxième film à lui, après l'échec du pitoyable Le Clone (avec Dieudonné, souvenez-vous), pour le pire et le meilleur. Ah, non, que pour le pire. A l'image de son héros éponyme, Cyprien a 10 ans de retard. Si ce n'est plus. Qu'il s'agisse de son pitch sous-exploité volé à Dr. Jerry & Mister Love (qui date de... 1963!!!!!) ou bien de ses références geek, le film ne sait comment agencer ses quelques banales idées et intrigues et il en résulte une comédie où l'on ne pouffe de rire que deux ou trois fois sur 1h38. La première demi-heure présente une écriture des plus indigentes où la caractérisation ne se fait que par le biais de la plus grossière caricature. Non seulement met-on geeks, nerds et losers dans le même sac, mais on ne peut s'empêcher de forcer le trait. Ainsi nos quatre compères ont TOUS des lunettes, sont TOUS fringués comme des sacs et ont TOUS des coiffures pas possibles.
LA FRANCE ELLE M'A LAISSE TOMBER
Certes, le but d'Elie Semoun et de ses co-scénaristes Benjamin Guedj (Plus belle la vie) et Romain Lévy (Les 11 Commandements) n'est pas de faire de la comédie ancrée dans le réel et plus subtile dans son portrait des geeks comme en fait actuellement Judd Apatow (En Cloque, mode d'emploi) ou comme a pu en faire Kevin Smith (Clerks., qui date de... 1994), mais plutôt de verser dans l'humour gras, encore faut-il que ce soit drôle. Outre-Manche, des films comme Hot Fuzz et des séries comme The IT Crowd ont également préféré des approches plus caricaturales et parodiques, mais l'inspiration est au rendez-vous. Il ne suffit pas de citer explicitement le titre de films cultes tels que Star Wars, Retour vers le futur ou Matrix pour s'avérer drôle. Ici, toutes les blagues s'appuyant sur ce genre de références tombent misérablement à plat par le traitement superficiel et amateur. Il apparaît évident que les gens responsables de ces dialogues ne sont PAS des geeks, ils ne comprennent PAS l'humour qui peut naître de l'assimilation de ces références, du moins ne savent-ils pas correctement l'exploiter. La caricature s'étend bien au-delà de la bande à Semoun. La rédaction de Dress Code, le magazine de mode pour lequel travaille Cyprien, est dirigé par une Catherine Deneuve en bonne voie pour devenir la nouvelle Gérard Depardieu (ou comment accepter un chèque pour un petit rôle dans n'importe quelle nullité), et habité par une ribambelle de clichés misogynes et homophobes.
ON N'A PAS DE PETROLE MAIS ON A DES IDEES... MON CUL
On retiendra la furtive scène d'Elisa Tovati dont la courte performance symbolise à elle seule l'hystérique pochade qu'est ce film. A ce titre, la mise en scène frénétique du débutant David Charhon n'arrange rien. On ne crée pas l'illusion de rythme en montant son film avec une moissoneuse-batteuse. Le film rehausse un peu le niveau lorsqu'il se cantonne au gag pur, dans le deuxième acte, mais souffre d'une structure boîteuse. L'agencement des séquences se fait sans liant, le scénario ne fait pas grand chose de son concept déjà pas folichon, et les intrigues classiques (romance de base et parcours du héros) suivent leurs cours stéréotypés jusqu'à l'inévitable morale finale niaise dans la plus pure tradition de la comédie française : pour Camping ou Disco, c'était "les beaufs sont des gens comme nous", ici on remplace "beaufs" par "geeks/nerds/losers". Un message bien trop faux-cul compte tenu de la manière dont Semoun se moque de ses personnages. Mais qui est le public de ce film alors ? Certainement pas les geeks, ni même réellement les fans des Petites annonces. Non, la réponse est plutôt à chercher du côté des producteurs, Arthur et TF1. Tout est dit. Et dire qu’il est actuellement question de créer une catégorie dédiée à la comédie dans les Césars… le pire, c’est que Cyprien pourrait être nommé.