Couperet (Le)

Couperet (Le)
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Couperet (Le)
France, 2004
De Costa-Gavras
Scénario : Costa-Gavras
Avec : Yvon Back, José Garcia, Olivier Gourmet, Ulrich Tukur, Karin Viard
Durée : 2h20
Sortie : 02/03/2005
Note FilmDeCulte : *****-
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Bruno Davert, ancien cadre supérieur dans une usine de papier, ne supporte plus d’aller d’entretiens d’embauche minables en "On vous rappellera" hypocrites. Excédé, il décide donc de récupérer les CV de ses rivaux potentiels afin de dresser la liste des hommes à abattre avant de décrocher un emploi…

COSTA BRAVO

De Costa-Gavras, on a pu tout dire: habile faiseur, auteur engagé, pédagogue pour classes de quatrième… Tous ces qualificatifs, des plus enthousiastes aux plus aigris, révèlent cependant une constante: le bonhomme, en matière d’efficacité, sait y faire. Certes, de manière plus ou moins subtile selon les périodes (voir la dénonciation plaisante mais sans doute trop démonstrative de la gloutonnerie toujours plus malsaine du pouvoir médiatique, dans le mal-aimé Mad City). Mais toujours préside ce souci permanent d’accessibilité populaire, sans pour autant jamais rien céder aux vulgaires sirènes du simplisme caricatural. Le cas du Couperet donnera certainement matière à casser du sucre sur le dos d’un prétendu manichéisme social à ses détracteurs. Nulle question d’en faire grand cas ici néanmoins: Le Couperet, à nos yeux, s’impose clairement en thriller de haute tenue, pertinemment ancré dans son temps et dispensant ses effets avec générosité. En somme, tout ce sur quoi un certain cinéma français, nanti d’une frilosité de peine-à-jouir, patine allégrement.

D.R.H. CLUB

En cela, Le Couperet, au même titre que les récents 36, Quai des Orfèvres ou Le Convoyeur, participe, volontairement ou non, d’un même regain de foi en un cinéma populaire hexagonal intelligent et intelligible, assumé et prenant. S’appropriant Westlake quelques mois après le boiteux mais intriguant Je suis un assassin, Costa-Gavras, trouvant enfin à se remettre en selle après le très beau Amen, ravit en effet d’évidence. Tenant, sans lourdeur, toutes les promesses de l’excitant prétexte narratif du livre (un chômeur désespéré de ne pas trouver d’emploi décide d’éliminer littéralement ses rivaux potentiels), le réalisateur nous livre donc un vrai film noir, amoral et ludique, au suspens travaillé et aux rebondissements savoureux. Au risque de faire hurler les puristes, l’on se permettra sans honte de songer à quelques petits bijoux sombres du cinéma paranoïaque (Fight Club) ou prônant une révolution déviante (Crash). Pour autant, Le Couperet n’est pas un simple clone: là où Cronenberg et Fincher nous contaient la dérive asociale sous l’angle de la renaissance groupusculaire, Costa-Gavras, cohérent avec son propos et jamais tenté par l’américanisation à outrance, nous parle d’individualisme assumé (si double-vie il y a, elle n’est pas refoulée, mais bien conservée, stockée sur dictaphone, manière d’archive testamentaire). Aussi, s’il fallait à tout prix lui trouver un petit frère, c’est finalement davantage vers le glacial Emploi du temps de Laurent Cantet que l’on se tournerait.

JUSTE ET NET

L’Amérique de Westlake délocalisée chez nos voisins belges, Le Couperet résonne en effet d’une tonalité résolument européenne. Le casting, de luxe, suit le mouvement: José Garcia dans l'un de ses meilleurs rôles depuis Extension du domaine de la lutte, Karin Viard confirmée en femme westlakienne par excellence, Ulrich Tukur déprimant donc parfait, le génial Olivier Gourmet, dont le temps de présence effective à l’écran est inversement proportionnel à la fascination qu’induit son incertaine absence – mais aussi et surtout une tripotée de seconds rôles remarquables. Ici étonne et détonne donc Le Couperet dans le paysage. Se frayant avec aisance un chemin sur cette ligne pourtant rarement nette qui relie honnêteté de propos et sincérité formelle, la geste perfectionniste du réalisateur s’exprime avec un bonheur simplement communicatif. Méticuleux, ne laissant rien au hasard, le conteur Gavras avance d’un pas élégant, jamais empêtré dans sa trame déconstruite, toujours au clair avec ses intentions, limpides. Le Couperet tombe juste et net. Nourri d’étrangeté par quantité de petits détails délectables (une ligne anodine de Westlake, sur une babiole achetée lors d’un vide-grenier, par exemple, suffit à un plan mémorable) et – autre belle idée risquant toutefois de faire grincer bien des dents – par les excellents travaux graphiques d’Oliviero Toscani, morcelant corps de femme ou révélant les penchants va-t-en-guerre des biens de consommation courante, en ses fausses affiches publicitaires, le film fonctionne à plein dans son univers personnel et pourtant si singulièrement familier. Une belle, franche et inattendue réussite, donc, du genre que l’on adorerait croiser plus souvent.

par Guillaume Massart

En savoir plus

The Ax, titre original du roman de Donald E. Westlake, long monologue désenchanté à la première personne, est disponible en France depuis 2000 chez Rivages/Noir. 333 pages dévastatrices et captivantes… si tant est que l’on sait faire abstraction d’une traduction française bien approximative et à la musicalité fort peu soignée. On suppose qu’une nouvelle édition devrait voir le jour à l’occasion de la sortie du film. On se permettra de croiser les doigts – il est toujours permis de rêver – en vue d’une éventuelle retraduction, plutôt qu’un simple changement de maquette…

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