Couleur des mots (La)
Belgique, 2006
De Philippe Blasband
Scénario : Philippe Blasband
Avec : Mathilde Larivière, Aylin Yay
Durée : 1h03
Sortie : 17/01/2007
Vingt-quatre heures dans la vie de Marie, jeune femme dysphasique. Elle se sent dans sa langue, le français, comme dans une langue totalement étrangère. Alors, elle reste en panne sur le bord des autoroutes de la communication. Au fil de ses rencontres, nous comprenons combien ce langage défectueux creuse entre elle et le monde un fossé difficilement franchissable. Car au-delà de l'anormalité, blessure ressentie depuis l'enfance, d'autres obstacles menacent de l'isoler encore davantage : son propre enfant dont on la prive, le chômage, l'alcool dont elle abuse, et, tapie derrière l'agressivité, la fierté, et le refus de la pitié, une immense soif d'amour.
MOTS FLÉCHÉS
Genre casse-gueule s'il en est, le film de maladie donne plus souvent qu'à son tour des envies de fuite au cinéphile averti. Aussi n'est-ce pas la moindre des qualités de La Couleur des mots que de contourner avec adresse la plupart des chausse-trappes habituels. La dysphasie, cette complexe maladie du langage, y est traitée avec recul et sans violons, dans un dispositif esthétique rappelant Keane. La caméra numérique colle en effet de près aux mouvements de son héroïne, à qui Aylin Yay prête son jeu nuancé, sans forcer le trait. Avec une impressionnante évidence, l'actrice parvient à donner une ampleur inattendue à son rôle, aidé en cela par un scénario habile, qui n'hésite pas à prendre son sujet au pied de la lettre (l'acceptation de la dysphasie passant par la parole), quitte à prendre le risque de l'artifice (voir la séquence, risquée et pourtant très belle, de confrontation avec la logopède privée de parole suite à une opération). Si Philippe Blasband souffre parfois de son manque de moyen, son mérite tient en l'exploitation de cette pauvreté: la photo saturée propre à la DV est ainsi détournée pour faire naître l'étrangeté, bouleversant la palette chromatique à l'envi, violaçant les carnations ou cramant les surfaces blanches. De même, le travail sur le son, exemplaire, n'use que de procédés élémentaires et n'en fait jamais trop. Une réussite modeste, donc, mais à saluer.