Corto Maltese

Corto Maltese
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Corto Maltese
Corto Maltese, la cour secrete des arcanes
France, 2002
De Pascal Morelli
Scénario : Natalia Borodin
Avec : Patrick Bouchitey, Barbara Schulz, Marie Trintignant
Durée : 1h32
Sortie : 25/09/2002
Note FilmDeCulte : ***---

Entre la Mongolie et la Mandchourie sillonne le train blindé de l’amiral Kolchak, transportant l’or des Romanov. Aidés par les Lanternes rouges, une société secrète chinoise, Corto Maltese et l’imprévisible Raspoutine quittent le Shanghai du début du siècle pour tenter de retrouver le trésor.

Christophe Lambert en Corto Maltese? Plus d’un bédéphile ne s’en serait pas remis. Echappant de peu à un sort funeste, le marin maltais se découvre non plus un nouveau visage mais une voix, celle de Richard Berry. Le neuvième art ne fait pas seulement recette en librairie, il trouve aujourd’hui son prolongement naturel au cinéma. Inutile de racler les fonds de tiroir pour sauver un quart de synopsis, un album de BD recèle plus d’idées qu’il n’en faut pour développer un script. Hulk, Daredevil et Hellboy succèderont bientôt à Spider-man, From Hell et Ghost World. Forts du succès d’Astérix: Mission Cléopâtre, Blueberry, Michel Vaillant et La Femme Piège quitteront à leur tour les étagères pour renaître sur les écrans. Corto Maltese n’est donc qu’un exemple parmi d’autres des héros de papier convoités par le cinéma. Il soutient pourtant un secteur en pleine ébullition, le film d’animation, dominé par les Américains et les Asiatiques. Autant l’annoncer tout de suite: le pari attendu de Pascal Morelli ne détrônera pas ses aînés. Sur le seul plan technique, Corto Maltese peine à rattraper l’avance de Disney ou du studio Ghibli.

La recherche formelle, si appliquée soit-elle, ne suffit à masquer une animation hasardeuse et saccadée. La platitude des paysages et la faible profondeur de champ écrasent des corps sans consistance, restreints aux mouvements les plus élémentaires. Il n’y a pas d’action à proprement parler dans Corto Maltese, les rares accélérations du récit ne faisant qu’amplifier cette impression de fixité. Proche de l’esquisse, le trait alerte et tremblé de Hugo Pratt perd à l’écran tout pouvoir de suggestion. En dépit de son esthétique léchée et ses somptueux aplats de couleur, Corto Maltese se limite souvent à un simple exercice de décalque. La mise en scène reproduit case par case le découpage de Corto Maltese en Sibérie, comblant de-ci de-là les ellipses de l’album. La séquence inaugurale laisse pourtant rêveur. Habillé de son éternelle tunique, le marin se délasse à Venise, dans la Cour Secrète des Arcanes chère aux souvenirs du dessinateur. A ses pieds, un chat noir. Plus loin, le profil de Bouche Dorée. Enveloppées par une lumière automnale, les trois silhouettes se tiennent immobiles, les déplacements furtifs de la caméra créant l’illusion du mouvement. L’ouverture installe une douce quiétude entre rêve et réalité, rythmée par la voix chaleureuse de Richard Berry et celle hypnotique de Marie Trintignant.

Si l’animation manque par moments de fluidité, Morelli réussit à exploiter cette maladresse en tirant parti des contrastes, des ombres et en sublimant les temps morts. Ce n’est jamais le récit d’aventure – confus et bavard - qui captive, mais ces quelques respirations, où l’image se charge d’une atmosphère poétique. En dehors de ces brillantes échappées, Pascal Morelli livre une adaptation trop timide et sans relief. Le choix de Corto Maltese en Sibérie n’est pas fortuit. Le contexte historique et les élans romanesques donnent matière à un spectacle grandiose. Mais le film ne se libère jamais de la tutelle de Pratt. A trop vouloir lui rester fidèle, Morelli ne parvient à se construire une identité propre. Bande dessinée réputée inadaptable, Corto Maltese paraîtra difficile d’accès aux non connaisseurs; l’intrigue tortueuse, les ruptures de ton et les dialogues parfois sibyllins ne manqueront pas de dérouter. Mais s’il existe une qualité au film de Pascal Morelli, c’est bien de dépoussiérer le cinéma d’animation français et de revenir à un discours plus adulte. Et pour cette raison, malgré ses lacunes, Corto Maltese ne peut que susciter la sympathie.

par Danielle Chou

En savoir plus

Premier pays producteur de dessins animés en Europe et troisième dans le monde, la France se spécialise désormais dans le cinéma d’animation. Depuis le succès surprise (1,4 million d’entrées en France) du premier long métrage de Michel Ocelot, Kirikou et la sorcière, les projets se bousculent. Quels héritiers Paul Grimault (Le Roi et l’oiseau) et René Laloux (La Planète sauvage, Prix Spécial à Cannes en 1973) ont-ils laissés?

Trois studios se partagent l’essentiel de la création en France: La Fabrique, dans les Cévennes, fondée en 1979 par un disciple de Grimault. Le Château des singes, deuxième film du studio, a été distribué dans les salles en 1999 (350 000 spectateurs). Folimage, établi à Valence, existe depuis 1984. Son fondateur, Jacques-Rémi Girerd, prépare La Prophétie des grenouilles, premier film d’animation à se revendiquer 100% français. Enfin, à Angoulême, Le Pôle Image ou Les Armateurs a déjà produit Kirikou et la sorcière, ainsi que La Vieille Dame aux pigeons, le premier court de Sylvain Chomet (Grand Prix d’Annecy, 1998). Ce dernier prépare son premier long métrage d’animation, Les Triplettes de Belleville.

Budgété à 4,5 millions d’euros, le tournage de Corto Maltese n’a pas été sans incident. Retardé de six mois en raison de la faillite de Neuroplanet et Hast Corporation, deux de ses partenaires financiers, le film a été sauvé par Ellipsanime, le département animation du Studio Canal+, producteur de Babar, le roi des éléphants et de Bécassine au cinéma. Afin d’amortir les coûts de production, Pascal Morelli a réalisé en parallèle une série animée de 22 épisodes x 30 minutes chacune, prochainement diffusée à la télévision. Repoussée deux fois, la sortie du film ne manquera pas d’attirer l’œil de tous les professionnels de l’animation.

Fin 2002, courant 2003 seront exploités en salles une dizaine de longs métrages d’animation, orientés cette fois-ci vers un public plus jeune. Parmi eux: La Légende de Parva de Jean Cubaud, d’après un dessin de Milo Manara, sur un scénario de Vincenzo Cerami (La Vie est belle); Les Enfants de la pluie de Philippe Leclerc, adapté de l’œuvre de Serge Brussolo; La Reine soleil, d’après le roman de Christian Jacq; L’Enfant qui voulait être un ours de Jannick Astrup, puis T’choupi et Les Trois rois mages. Très attendu, Kaena, la prophétie, déjà vendu dans une vingtaine de pays, assure la relève en 3D. De même que Renaissance de Christian Volkman, suspens futuriste en noir et blanc. Europa, la société de Luc Besson, prépare quant à elle deux projets d’envergure, Arthur et Ektor.

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