Conjuring : Les dossiers Warren
Conjuring (The)
États-Unis, 2013
De James Wan
Avec : Vera Farmiga, Lili Taylor, Patrick Wilson
Sortie : 21/08/2013
Avant Amityville, il y avait Harrisville… The Conjuring raconte l'histoire horrible, mais vraie, d'Ed et Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée… Contraints d'affronter une créature démoniaque d'une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l'affaire la plus terrifiante de leur carrière…
ESPRIT REBELLE
Il y a une scène qui dit un peu tout de Conjuring. Elle est extrêmement efficace, même si elle ne révolutionne en rien le cinéma d'horreur. L'une des jeunes héroïnes du film est réveillée en pleine nuit par quelque chose qu'elle ne voit pas. Elle se redresse, fixe le coin de sa porte: du noir. Elle est terrorisée par ce qu'elle voit, mais nous, on ne voit rien. Et on ne verra rien. Pas même une tête de Capitaine-Sait-Tout qui surgit sur un ressort, et même pas un BAOUM bien sonore pour faire sursauter le public. James Wan se démarque en une scène de toute une production horrifique de poubelle qui se limite à des trains fantômes cheap, cyniques et morts, sans climat, sans tension, sans acteurs, sans mise en scène, et qui parie simplement sur des jump scares aussi ambitieux cinématographiquement qu'un coup de pied dans le fauteuil du spectateur. Wan construit minutieusement son récit, distille ses éléments horrifiques, pense sa mise en scène, regarde ses personnages: il fait du cinéma. Ça paraît évident, ça ne l'est pas tellement quand on pense au gros de la production horrifique récente venue des grands studios.
Le succès de Conjuring, c'est aussi un retour aux sources. L'histoire se déroule dans les années 70, âge d'or du cinéma d'horreur. De la typo du générique à l'utilisation vintage de zooms (zooms que seul Hong Sang-Soo ou presque utilise encore aujourd'hui, pas vraiment du cinéma d'horreur), Conjuring est un hommage amoureux aux classiques du genre. Classique, le film de James Wan l’est assurément. C’est un festival de planchers qui craquent, de boites à musique lugubre et de portes mal fermées. Est-ce un problème ? Pour ceux qui n’arriveront pas à voir au-delà, oui. Un film d’action est-il immédiatement vide de tout intérêt parce qu’il y a des voitures et des explosions ? Les archétypes dans Conjuring sont nombreux mais sont utilisés avec habileté. Wan et ses scénaristes n’ont pas eu à avoir recours à des personnages stupides pour résoudre les problèmes du script. Lorsque Lili Taylor, pétrie de peur, sent une menace dans son sous-sol glauquissime, elle fait comme ferait tout le monde : elle jette un œil, mais elle n’y descend pas.
Comme dans Insidious, précédente réalisation de Wan, le bestiaire fantastique est riche. Les fantômes de toutes sortes pullulent, à l’image du nombre impressionnant de reliques hantées conservées par les personnages principaux (incarnés par Vera Farmiga et Patrick Wilson) dans leur musée des horreurs. Autant d’éléments archétypaux (une poupée démoniaque, une armure de samouraï fantôme), autant de promesses de récits, de portes vers l’imaginaire. De même, Conjuring est un film très généreux. Qui prend le genre au sérieux, comme son public. Si Wan fait parfois preuve d’un certain humour, celui-ci n’empiète pas sur le sérieux de son sujet. Si la mise en scène sait être discrète, elle s’étourdit parfois en un travelling circulaire autour de Farmiga, ou en un basculement de caméra dans la maison, dans ces moments où la raison des personnages vacille. Conjuring faiblit un peu dans son dénouement, plus criard, plus dispersé. Mais tout ce qui précède est un vrai cadeau : un beau film d’horreur élégant, intelligent, effrayant - que les autres en prennent de la graine.