Conclave
Royaume-Uni, 2024
De Edward Berger
Scénario : Peter Straughan
Avec : Ralph Fiennes, John Lithgow, Isabella Rossellini, Stanley Tucci
Photo : Stéphane Fontaine
Durée : 2h00
Sortie : 04/12/2024
Quand le pape décède de façon inattendue et mystérieuse, le cardinal Lawrence se retrouve en charge d’organiser la sélection de son successeur. Alors que les machinations politiques au sein du Vatican s'intensifient, il se rend compte que le défunt leur avait caché un secret qu'il doit découvrir avant qu'un nouveau Pape ne soit choisi. Ce qui va se passer derrière ces murs changera la face du monde.
LES HOMMES DU PAPE
Remarqué pour sa version allemande d'A l'ouest, rien de nouveau, Edward Berger revient avec un film qui porte l’habit d’un nouveau produit à Oscars mais s’avère finalement être...un thriller? En effet, derrière les apparats du drame, Conclave est plus proche d'Agatha Christie que d'Habemus Papam. Adapté (par l'un des scénaristes de l'extraordinaire La Taupe) d'un roman de Robert Harris (The Ghost Writer, J'accuse), cet improbable cocktail entre un contexte au sérieux papal et un récit à tiroirs de plus en plus "grotesque" au fil du récit, compense ses rebondissements les plus poussifs par leur sens, par la force du propos, aussi grossier fut-il. En effet, derrière la mécanique d'une enquête qui aurait pu se limiter à proposer un contexte original pour son déroulement se cache une réflexion sur le doute, notion inhérente à la question de la foi.
Cette notion est savamment incarnée de façon ambivalente au travers du protagoniste (Ralph Fiennes impeccable) qui met en garde contre les dangers de la certitude et cherche simultanément à découvrir la vérité sur les potentiels secrets de ses compères, guidés par leur ambition derrière leurs airs de Saint-Nitouche (cast génial avec notamment un Sergio Castellito qui bouffe toutes ses scènes). Qui est sans péché? Qui pour nous diriger ? Parce qu'inévitablement, il n'est pas uniquement question de Dieu ou de l’Église. Il est impossible de faire un film sur une élection qui sort en pleine période d’élections US sans que sa portée ne s'en retrouve décuplée et le film exploite ce microcosme, conservant une unité de lieu tandis que le monde extérieur bout juste là dehors, omniprésent, pour confronter idéologie et realpolitik dans un monde de mœurs qui changent (les droits LGBTQ+) et de guerres qui ne changent pas (le terrorisme).
La caméra de Berger s'attarde régulièrement sur les gestes de la procédure, les rituels de cet univers codifié, rigide, qu'il s'agisse des mesures à prendre après le décès du Pape ou du règlement du scrutin, soulignant à la fois leur immuabilité et le caractère concret de ces besognes manuelles, palpables dans un monde d'abstraction. Bien qu'il se tourne parfois dans les décors naturels (ou reconstitués) du Vatican, le film réinterprète tout de même les intérieurs comme une sorte de bunker ou de prison (dont on ne sortira jamais pendant les 72h du récit), se permettant une direction artistique subjective. A plusieurs reprises durant le film, on est tenté de regretter que la mise en scène de Berger n'embrasse pas davantage le genre, ne mine pas davantage la tension, et en même temps, c'est justement la relative retenue du réalisateur, qui s'adonne tout de même à quelques compositions picturales plus imposantes, et la photo naturaliste de Stéphane Fontaine, qui permettent justement à Conclave de ne jamais basculer dans la vulgarité tout en restant un véritable thriller politique.