Colline a des yeux (La)

Colline a des yeux (La)
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Colline a des yeux (La)
The Hills have eyes
États-Unis, 2006
De Alexandre Aja
Scénario : Alexandre Aja, Grégory Levasseur
Avec : Dan Byrd, Ted Levine, Kathleen Quinlan, Vinessa Shaw, Aaron Stanford, Emilie de Ravin
Durée : 1h43
Sortie : 21/06/2006
Note FilmDeCulte : ***---

Pour fêter leur anniversaire de mariage, Big Bob Carter, un ancien policier de Cleveland, et sa femme Ethel ont demandé à leur famille de partir avec eux en Californie. Big Bob est sûr que faire la route tous ensemble les aidera à resserrer des liens familiaux un peu distendus. Une route désertique va conduire les Carter vers le pire des cauchemars...

LES YEUX CAVES

On avait tout prévu: retour sur Haute tension, vrai (unique?) coup de boule du cinéma d'horreur français; trompettes pour une success story d'un enfant du pays; comparaison avec le film original de Wes Craven; révision du petit Julien Dupuy illustré, du concept de "meat movies", de ces "films viande" de la fin des années 70… Une seule variable nous échappait, qu'on considérait acquise d'avance: la qualité du film. Après visionnage du remake de La Colline a des yeux, bien obligé de redescendre sur terre. Les conditions, pourtant, semblaient réunies. La reprise, pour une fois, était bienvenue: le classique de 1972 a en effet pris de l'âge et pas au mieux. La genèse du projet laissait en outre à penser qu'Aja et Levasseur, courtisés par la fine fleur de la série B américaine, avaient eu toute la liberté nécessaire, pour livrer une révision unique et singulière. Bref, tout ronronnait, le buzz était bon, le succès commercial inespéré et le duo frenchie infiltré aux States gazouillait de joie sur son petit nuage.

JE TE SURVIVRAI

Alors quoi, crise de croissance? Possible. Haute tension se conjuguait à la première personne, collant aux basques de son héroïne, limitant l'action à sa topographie intime. Les stéréotypes les plus flagrants du cinéma d'horreur y étaient revisités à cette aune, travaillant la peur primale au plus près, au détriment de l'effet. Il s'agissait de survivre, de fuir, de se cacher, de réagir, face à une menace constante, au pas régulier, à l'objectif unique. Survival, donc. La Colline a des yeux élargit le champ: identification fragmentée autour du noyau familial en scission, multiplicité des attitudes, décompte des morts ("Les plus chanceux meurent en premier", assure l'accroche, sans équivoque), boogeymen furtifs (voire inconsistants) et imprévisibles. Slasher, donc. Mais mal assumé. Reeker, récemment, en révisait les gammes: galerie de personnages-balises à éliminer, horreur graphique et gratuite, détails qui clochent, corps éprouvés, attente de la mort. Aja peine à s'approprier ces ingrédients, trop pressé d'en découdre avec l'action pure — son terrain, indéniablement. Le travail cinématographique n'est donc plus le même et Aja, apparemment, moins qualifié. Embarrassé par une back-story encombrante, le film peine à installer l'angoisse, se préoccupant davantage de justifier son action plutôt que de passer à l'acte. Les tournants attendus se prennent donc sans risque: raccourcis scénaristiques à la pelle, repères spatiaux incertains, rythmique et ellipses mal calibrées, personnages inégalement caractérisés, ruptures de ton malvenues… La Colline a des yeux semble ainsi naviguer à vue, sans boussole, contournant maladroitement les obstacles (la très fumiste traversée des mines, exemplairement).

HEROS MALGRE LUI

Le dernier acte confirme l'hypothèse de la fausse piste. L'hommage rendu aux Chiens de paille enfonce en effet le clou: c'est bien au survival qu'Aja aspire. A l'épique. A l'héroïsation du commun. D'où contre-plongées sur fond d'azur, envolées musicales sur-signifiantes et, à travers les flammes, un homme, un bébé et un chien. La mule est chargée, la gloire se fait gloriole et l'intensité dramatique foireuse: on glousse, évidemment — on pourrait même grincer, tant la légitimité de ce retournement homérique paraît hasardeuse. Paradoxalement, le remake réhabilite, en quelque sorte, l'œuvre originale: Craven allait droit au but, donnait vie à ses personnages par leurs actes, sans digression accessoire. Le trouble n'en était que plus grand, renforcé par l'âpreté documentaire d'un tournage à peu de frais: l'inexplicable se produisait, nul besoin de l'expliquer. Les grands moyens du remake prennent le dispositif à rebours et cette ambition du toujours plus passe au final pour une entrave. Fait-on la fine bouche? Peut-être. C'est tout le problème des promesses mal tenues: la déception est souvent fonction de l'attente. Car La Colline a des yeux cuvée 2006 n'est pas sans qualité. Aja a du métier, un savoir-faire — un savoir-séduire. On nous reprochera de n'en pas faire davantage état. Oui, mais c'est une base: on attendait d'en décoller.

par Guillaume Massart

Partenaires