Cold Fish
Tsumetai nettaigyo
Japon, 2010
De Sono Sion
Scénario : Sono Sion, Yoshiki Takahashi
Avec : Fukikoshi Mitsuru
Photo : Shinya Kimura
Musique : Tomohide Harada
Durée : 2h13
Shamoto tient une petite boutique de poissons tropicaux. Il s'est remarié et sa deuxième femme ne s'entend guère avec sa fille, Mitsuko. Un jour, cette dernière va trouver en la personne de Monsieur Murata, non seulement un sauveur, mais aussi un homme exerçant le même métier que son père, mais à grande échelle. Il poussera sa bonté jusqu'à lui offrir un travail dans son magasin. Mais Monsieur Murata cache de nombreux sombres secrets sous ses manières attentionnées…
UN POISSON VIOLENT
L'identité, et par là même l'identité japonaise: voici là un des thèmes obsessionnels de la production nippone contemporaine. D'un fait divers horrible, Sono Sion tire un portrait au vitriol de la famille japonaise, famille petit à petit mise en morceaux au fil de cette farce qui tourne au gore. Mais malgré les boyaux à l'air et le label Sushi Typhoon (plus habitué aux jeunes filles mutantes et charcuteries à la kalachnikov), Sono Sion ne fait pas dans la potacherie pour autant. Cold Fish, acide mais avisé, parle d'une jeunesse désorientée, du socle familial plus que vacillant, et du rôle du père. Trouble et indistinct. Que Shamoto, père de famille effacé, propriétaire d'un modeste magasin de poissons, représente t-il pour les siens? Le démon Murata va servir de révélateur, un agitateur qui drague les pires pulsions de cet homme comme les autres.
Comment l'humiliation peut faire basculer vers la folie? Quelle place pour l'autorité, la virilité? Il y a une quarantaine d'années, Koji Wakamatsu posait des questions voisines avec ses films sur le traumatisme d'après-guerre, l'humiliation là encore, ses enjeux sexués, le rapport homme-femme chamboulé. Quels changements au 21e siècle? Cold Fish joue avec l'image fossile du patriarcat japonais, son fantasme de despote devenu grotesque, sa place aujourd'hui rendue fragile. L'hésitation fantastique, dans Strange Circus, naissait d'une esthétique léchée jusqu'à l'étrange. La mise en scène de Cold Fish privilégie une lumière brute, des plans-séquences: malgré l'ironie, malgré le grand-guignol, le reflet insensé et impressionnant d'une société et de ses fêlures est sûrement plus authentique qu'il n'y paraît. Sono Sion signe certainement là son meilleur film, sera t-il celui de sa reconnaissance en France?
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Cold Fish a reçu le prix de la critique au Festival du film asiatique de Deauville