Code Blue
Pays-Bas, 2011
De Urszula Antoniak
Scénario : Urszula Antoniak
Avec : Bien De Moor, Lars Eidinger
Photo : Jasper Wolf
Durée : 1h20
Marian, une infirmière d’âge moyen, se dévoue à ses patients comme une Sainte. Parfois, elle va jusqu’à assumer le rôle de rédemptrice, apaisant les personnes gravement malades en les aidant à atteindre le silence ultime. Lorsqu'elle se rapproche d’un voisin par un acte de voyeurisme commun, elle devient fascinée par lui. Face à la fragilité de ces nouveaux sentiments, Marian succombe à ses besoins humains…
L'HOPITAL ET SON FANTOME
Voilà un film qui ne ressemble à aucun autre, et qui témoigne d’une sacrée personnalité de cinéaste. La réalisatrice hollandaise Urszula Antoniak avait fait le tour du monde des festivals avec son précédent film Nothing Personal (inédit en France), mais c’est avec cet ovni glacé qu’on la découvre. Et quelle découverte. Code Blue fait du portrait d’une femme solitaire au bord de la folie un captivant mystère à la limite de l’expérimental. La réalisatrice témoigne en effet d’un talent rare pour faire glisser son récit en permanence sur une frontière fantastique, et parvenir à faire vivre un personnage complexe quasiment sans aucun dialogue, construire un véritable récit tout en misant sur une succession d’ellipses et de sous-entendus plutôt que sur le factuel. L’héroïne (physiquement un mix entre la Laura Dern d’Inland Empire et Chantal Ladesou) est filmée comme un fantôme dans sa propre vie, errant dans les couloirs vides du service de soins palliatifs où elle travaille, enfermée sur elle-même, déjà presque un spectre au beau milieu des morts.
Avec un récit minimaliste, le film parvient à dire énormément sur la solitude, sur la folie qui guette à tout moment, et surtout il le fait sur un ton inédit, à cheval sur l’inquiétante étrangeté à la limite du surnaturel et le réalisme le plus cru et sale, comme si Ulrich Seidl réalisait un épisode de L’Hôpital et ses fantômes. Mais c'est encore une autre référence qui vient avant tout en tête : Isabelle Huppert. Car non seulement on soupçonne que c'est le type de films que l'actrice française peut regarder sans broncher dès le petit déjeuner, mais c'est surtout l'impressionnante performance de Bien De Moor (comédienne hollandaise issue du théâtre) qui fait penser à elle, par son intensité toute en retenue même dans les situations les plus troubles et tendues. On ne quitte pas forcement Code Blue sous son aspect le plus plaisant, et son dénouement perd un peu brutalement de son mystère, mais on n’est pas prêt d’oublier le nom d’Urszula Antoniak, une réalisatrice à suivre !