El Club
Chili, 2015
De Pablo Larrain
Scénario : Pablo Larrain
Durée : 1h38
Sortie : 18/11/2015
Quatre hommes vivent dans une maison isolée au bord de la mer. Chacun d'eux a un péché à expier, et ils sont placés sous la direction d'une concierge. Lorsqu'un cinquième homme arrive, il réveille les péchés enfouis par les quatre précédents.
LE CLUB DES EX
“Au Chili, mes films sont considérés comme des drames, et aux États-Unis, ils sont vus comme des comédies“. Cette remarque à la fois amusée et désabusée de Pablo Larraín (lire notre entretien), prononcée lors de la conférence de presse du film, traduit la difficulté qu’il peut y avoir à appréhender son œuvre au ton bien particulier. Santiago 73 Post Mortem, No… ses analyses historiques mélangent, il est vrai, une intransigeance glauque et un suspens et pince-sans-rire. Pas de quoi se taper sur les cuisses de rire ? A Berlin, il fallait pourtant voir les journalistes pouffer et s’esclaffer devant les passages les plus cocasses d’El Club. Rire franc ou jaune, de bon cœur ou de malaise ? Bien malin celui qui saura trancher. Car s’il contient effectivement une dose d’humour inattendue, le nouveau film de Pablo Larraín est surtout et avant tout son plus glaçant. Celui dont le sujet est le plus éloigné de tout potentiel comique. Il n'y a pas de quoi rire? On n’est pourtant pas au bout de nos surprises.
El Club est un film fou. Pas seulement de par son sujet, mais surtout grâce à un ton unique et un scénario qui ne prend jamais vraiment les virages attendus. Quel est donc cet étrange club, cette minuscule confrérie de quatre hommes qui partagent une maison avec une bonne sœur ? Même si la réponse est donnée relativement vite, il vaut mieux en savoir le moins possible. Larraín traite une nouvelle fois des non-dits de la société chilienne, de l’hypocrisie des structures sociales, des figures d’autorités caduques, mais il le fait avec un sacré lot de surprise. La première séquence du film, qui plaque une citation de la Bible sur des images nues et symboliques, lance la fausse piste d’un récit en forme de parabole. Pourtant, pas d’intervention divine à la Carlos Reygadas ici. S’il a du mal à retomber sur ses pattes lors de son dénouement un peu grandiloquent, le scénario reste au contraire tangible et terre-à-terre. Les protagonistes sont pathétiques et arrogants, mais proches de nous jusqu’au malaise.
Il n’y a pas plus grande violence que la violence niée, et il n’y a pas horreur plus éprouvante que celle qui s’invite dans le quotidien le plus banal. Quand la bonne sœur, avec son sourire maboul, dit qu’elle est uniquement dans cette maison « pour couper les tranches de jambon », quand on propose d’expier les pires crimes en mangeant plus de légumes, on a autant envie de se moquer que de fuir en courant. Et pourtant Larraín ne tombe jamais dans le cynisme, dans l'humour noir facile ou le règlement de compte revanchard. Surtout: il ne perd jamais de vue la dignité de ses personnages. C'est grâce à de tels paradoxes (et une telle habileté) qu'El Club dérange et marque aussi profondément. Un film qui fait froid dans le dos.