Closed Curtain
Parde
Iran, 2013
De Jafar Panahi, Kambuzia Partovi
Scénario : Jafar Panahi, Kambuzia Partovi
Durée : 1h46
Les destins croisés d'un homme et son chien et d'une jeune femme, barricadés de l'autre côté de la Mer Caspienne.
LE RIDEAU DE FER
Quel avenir de cinéma pour Jafar Panahi ? Après son interdiction de tourner pendant 20 ans, et après son journal intime filmé Ceci n'est pas un film, comment le réalisateur iranien allait pouvoir contourner sa condamnation ? Closed Curtain rentre dans le vif du sujet dès son premier plan. L'horizon est bouché par une grille de fer. Sur cette grille, on tire un rideau. Sur ce rideau, des draps sont accrochés. Le décor (une mer à perte de vue) est barré. Mais dans Closed Curtain, on se cache également de l'extérieur. Deux jeunes en fuite cherchent à échapper à leurs poursuivants, un placard exigu permet au personnage principal de se dissimuler tandis que des bruits inquiétants résonnent aux alentours. Panahi et Kambuzia Partovi (qui co-réalise ce long métrage) empilent les symboles de claustration qui parlent autant de la situation concrète du cinéaste (Panahi n'a pas le droit de quitter le pays) que de la terreur paranoïaque du régime (menace invisible et permanente).
On peut bien fermer la porte, les fantômes semblent passer au travers. Dans Closed Curtain, on ne peut fermer l'esprit comme on baisse un rideau. Film sur la création envers et contre tout, Closed Curtain observe l'art jaillissant de la vie, la vie jaillissant de l'art, malgré les contraintes. Le rideau tiré sépare l'artiste du monde. Ces mêmes rideaux, on les retrouve sur les affiches de films de Panahi accrochées dans la maison. Il y a toujours quelqu'un, dans Closed Curtain, pour tirer sur ces rideaux, pour laisser passer la lumière du jour ou pour faire apparaître les posters du Cercle ou du Miroir. Les symboles pourraient être lourds comme du plomb mais Panahi et Partovi ajoutent beaucoup de mystère à ce récit qui flirte avec le fantastique, où l'on apparaît à travers un miroir. Lorsqu'un reportage télé évoque le projet de loi visant à bannir les chiens, créatures impures de la société iranienne, les réalisateurs l'utilisent comme un gag (l'homme se précipitant sur la télécommande pour que son chien n'entende pas la nouvelle). Autant de ruptures inattendues dans un film qui aurait gagné à plus de concision. Le dénouement et la multiplication des personnages affaiblissent ce que Panahi et Partovi ont construit avant. Mais la réussite est là, celle d'un vrai film de cinéma et d'un captivant objet théorique. Lorsqu'il met le nez dehors, l'artiste de Closed Curtain brave les orages, dans une saisissante scène nocturne où le héros fait semblant d'être indifférent à la foudre qui s'abat sur lui.
L'Oursomètre: un Ours d'or semble tout à fait crédible, le film étant assez remarquable pour qu'il ne s'agisse pas que d'un prix politique.